Curieux projet que ce Ash And Coal, jardin secret cultivé par des musiciens issus de la scène metal suédoise, au pedigree relativement confidentiel (Algaion, Thorncladd...) et auxquels il aura fallu presque dix ans pour enfanter "Legacy" que plusieurs ébauches ont toutefois préparé sans pour autant attirer sur eux la lumière. Venu (presque) de nulle part donc, ce galop d'essai surprend néanmoins agréablement par sa maîtrise d'un gothic rock typiquement scandinave, plus que pour une personnalité vraiment affirmée qui lui fait, pour l'instant du moins, encore défaut.
Gageons que les années et la maturité viendront à coup sûr gommer cet air de déjà-entendu qui imprègne ces compositions néanmoins ciselées à la manière d'une orfèvrerie qu'une tristesse inexorable cloue cependant au sol. Minée par des regrets que rien même le temps ne peut effacer, cette offrande déroule une trame d'une lenteur pesante, figée par le froid et une nuit blafarde. De rares titres, emportés par un tempo plus soutenu mais timide, tels ce 'Everyone's a Misanthrope' au pouls très rock ou 'Never Learn', entame pulsative du plus bel effet, viennent quelque peu briser cette linéarité qui pourtant, loin d'être fâcheuse, participe finalement de cette mélancolie insondable qui bouche l'horizon.
Faussement monotone, "Legacy" trempe ses ambiances dans une palette en noir et blanc, vierge de couleurs lumineuses ou gaies, cathédrale de douleur dont le chant profond et déchirant de Viktor Klint ('War Is Coming') et les guitares entêtantes ('The Eating Fire', sans doute le morceau le plus sombre du lot et donc le plus réussi) ou plus nerveuses, constituent les principaux arc-boutants. Ecrit à l'encre noire du désespoir, chaque titre, au format calibré, se dévoile peu à peu, abritant des trésors d'écriture qui éclosent en un bouquet d'émotions contrites. Les mélodies glacées qui coulent dans les veines bleutées des 'Black Waters', 'Tell Them Not To Be Afraid' et autre 'Evil One', creusent de profonds stigmates dans la peau, rendant leur écoute puissamment addictive, quand bien même elles n'ont rien d'originales.
Proche de l'école dépressive finlandaise, celle de Sentenced notamment, les Suédois inoculent leur venin avec une science aiguisée du riff obsédant, de la note poignante qui fait mouche à tous les coups, qui touche en plein cœur. De fait, "Legacy" est une réalisation qu'il est difficile de prendre véritablement en défaut. Seules ses influences encore trop prégnantes l'empêchent de s'élever au niveau d'un très grand disque.