Certains groupes ont l’art de se baptiser de noms peu évocateurs. Tel est le cas de Spirits Burning & Clearlight qui n’inspire pas grand-chose à la première lecture. Derrière ce nom à rallonge se cachent en fait deux formations qui ont en commun d’être chacune portée à bout de bras par un seul homme.
Clearlight est peut-être la plus connue des lecteurs de Music Waves, qui lui a déjà consacré quelques chroniques. L’âme de Clearlight s’appelle Cyrille Verdeaux, claviériste et compositeur de talent. Spirits Burning est, lui, mené depuis vingt ans par Don Falcone, également claviériste mais qui tâte aussi de la basse et des percussions. L’approche musicale des deux hommes est similaire : s’entourer pour chacun de leurs albums d’une pléiade de musiciens talentueux gravitant dans leur sphère amicale et faisant une apparition le temps d’un ou deux titres en guest star. Pas étonnant donc qu’ils aient décidé d’unir leurs énergies, une expérience qu’ils avaient déjà gravée sur disque en 2013 ("Healthy Music In Large Doses").
Pas étonnant également dans ces conditions que le line-up soit pléthorique : pas moins de 32 musiciens accompagnent les deux hommes, dont bon nombre sont issus de Gong (dont Daevid Allen, Steve Hillage et Didier Malherbe !) et d’Hawkwind (Nik Turner, Bridget Wishart, Steve Bemand et Steve Hayes), sans parler de francs-tireurs comme Theo Travis (Porcupine Tree, Gong, The Tangent, Karmakanik, Steven Wilson…) ou Albert Bouchard (Blue Öyster Cult, Spencer Davis Group…). Néanmoins, la présence de nombreux musiciens issus de Gong et d’Hawkwind ne doit pas effrayer ceux qui n’apprécient que modérément ces deux groupes : la musique ne porte pas les stigmates de ces formations, évitant la loufoquerie de la première et le caractère space rock marqué de la seconde.
Certes, le progressif joué ici traverse des paysages canterburiens (‘The Roadmap In Your Head’, ‘Roadmaps (The Other Way)’) et space rock (‘Black Squirrel At The Root Of The Staircase’, ‘La Rue Inconnue’), mais aussi psychédéliques (‘Isolation In 10 80’, ‘Roadmaps (The Other Way)’), jazz rock (‘Coffee For Coltrane’), planants (‘Sun Sculptor & The Electrobilities’) voire atmosphériques (‘The Old College Sky Is Where We Left It’, ‘Early Evening Rain’, ‘Déjà Vu’), quand il ne s’aventure pas dans des contrées plus surprenantes comme le country (‘Mrs. Noonness’), le folk (‘Fuel For The Gods’) ou le western spaghetti (de nouveau l’excellent ‘Fuel For The Gods’).
Selon les instants, l’auditeur se retrouve ainsi en compagnie de Robert Wyatt, Soft Machine, Tangerine Dream ou Mike Oldfield. En tout état de cause, il écoute une musique aussi diversifiée que dépaysante, apaisante, portée par un instrumentarium aussi riche que sensible, attentif aux nuances et au jeu d’une admirable délicatesse. Violon chantant ou grinçant, cascades cristallines de piano, groove de la basse, pleurs du sax, batterie subtile, arabesques de guitare, chacun y va de son solo, apportant son grain d’émotion, sur une trame de fond souvent dense mais jamais fouillis. Le chant fait figure de parent pauvre, discrètement présent sur ‘Sun Sculptor & The Electrobilities’ et ‘Isolation In 10 80’, et centre d’attention uniquement sur l’innovant et vénéneux ‘Roadmaps (The Other Way)’ interprété par Daevid Allen. Mais les qualités mélodiques des nombreux instrumentaux font aisément oublier cette quasi-absence.
Le seul défaut de cet album, c’est sa générosité. Sa durée avoisinant les 75 minutes n’évite pas quelques longueurs et redondances propices à ce que l’auditeur décroche sur la fin. Cette légère réserve ne retire cependant aucun mérite à "The Roadmap in your Head", un album comme il serait agréable d’en découvrir plus souvent !