Un an après l’acclamé (par la rédaction de Music Waves tout du moins) "Fragmentropy", le multi-instrumentiste allemand Thomas Thielen, plus connu sous le squelettique pseudonyme de T, nous revient avec un nouvel album intitulé "Epistrophobia".
T aurait-il des manies obsessionnelles ? En tout cas, il est clair qu’il a des travers récurrents, à commencer par les étranges titres ressemblant à des mots-valises qu’il donne à ses albums : "Psychoanorexia", "Fragmentropy", "Epistrophobia", autant de termes ne figurant pas au dictionnaire mais dont on imagine globalement le sens. Un sens sinistre et angoissant, à l’image des œuvres qu’ils recouvrent. Car les paysages sonores que T nous invite à parcourir sont souvent lugubres et désespérés, quand ils ne sont pas chaotiques.
Les amateurs des deux opus précédents ne seront pas dépaysés et retrouveront ce qui est maintenant un style clairement identifiable : des compositions souvent longues (cinq dépassent les douze minutes sur cet album !) aux incessants changements de thèmes, sombres et anxiogènes mais le plus souvent mélodieuses. Ce qui n’empêche pas l’artiste de se laisser aller à de brutales bouffées de violence (la première partie de ‘What If Not’ est particulièrement ébouriffante) ou, au contraire, à un minimalisme atmosphérique.
Plusieurs choses sont remarquables chez T. Tout d’abord le soin qu’il porte aux contrastes. Trop rares sont les artistes qui nuancent leur musique, sacrifiant à la mode du "vite et fort". Ensuite le caractère orchestral de sa musique, donnant plus l’impression d’avoir affaire à un groupe qu’à un seul homme, aussi à l’aise à la guitare qu’aux claviers, à la batterie qu’à la basse, voire au sax… Enfin une sensibilité tout en finesse qui fait venir l’émotion lors des nombreux passages poignants qui émaillent l’album (en point d’orgue, l’hommage à David Bowie à la cinquième minute de ‘What If Not’, le temps de quelques mesures semblant sortir de "Blackstar", les mots ‘black star’ étant d’ailleurs chantés quelques secondes plus loin).
"Epistrophobia" poursuit le concept entamé sur "Fragmentropy" comme l’indiquent les chapitres 4, 5 et 6 qui viennent compléter les trois premiers chapitres de l’album précédent. S’il en est bien le continuateur, les mélodies de ce nouvel album sont plus évidentes que celles de son prédécesseur, nécessitant moins d’écoutes pour les appréhender. De là à dire qu’elles sont simples… Une fois de plus, T arrive à nous séduire et à nous emporter dans son monde de désolation… pour notre plus grand bonheur.