The Aurora Project tient une place à part dans le paysage prog. En seulement 3 albums, les Hollandais ont su créer une identité musicale bien à eux incarnée par la voix expressive et originale de leur frontman et affirment cette singularité à chaque nouvelle production. Entre rock et metal progressif, The Aurora Project ressemble beaucoup dans l'approche artistique aux Allemands de Subsignal et de Sylvan, deux groupes aux influences visiblement proches de celles des Néerlandais. Le décès d'un de leurs guitaristes, Mark Vooijs en 2014, a conduit le groupe à faire une pause d'un an avant de retourner en studio et de nous proposer aujourd'hui un nouvel opus.
"World Of Grey" est le quatrième album des Bataves en 11 ans. Une régularité qui confine à la minutie tant leur travail est précis. Les quatre ans réglementaires qui séparent deux albums constituent une étape essentielle dans la gestation créative du groupe. Malgré une guitare en moins, cette livraison 2017 s'inscrit dans une continuité artistique faite d'une écriture inspirée, d'un propos plus intéressant que la moyenne, d'arrangements travaillés et d'une technique sans faille au service de la mélodie et du concept.
Comme ses prédécesseurs, "World Of Grey" est un concept-album dont le thème est la guerre, et les textes abordent ce thème sous différents aspects (médias, enrôlement des populations, implications sociétales, guerre technologique). Chez les Hollandais, la musique sert systématiquement le concept et les ambiances sont en adéquation avec chaque thème abordé. Ainsi les parties douces et aériennes illustrent les doutes et l'attente inquiète qui précèdent les hostilités alors que les thèmes les plus enlevés surviennent lorsque les conflits éclatent ('Dronewars').
La mélodie est au centre des préoccupations du groupe lors de l'écriture tout comme les arrangements très travaillés. Ajoutez à cela une production impeccable et une interprétation sans faille, et l'émotion est présente à de nombreuses reprises, magnifiée par la voix atypique et très expressive de Dennis Binnekade qui livre une prestation de haute volée tout au long de l'album.
"World Of Grey" intègre la plupart des codes du prog moderne et navigue entre progressif, néo-prog et metal, même si ce dernier aspect est beaucoup moins présent que sur le précédent album. Les riffs sont légers et précis, les soli souvent aériens, voire planants ('Stone Eagle', 'Circles In The Water') et les changements d'ambiance et ruptures rythmiques émaillent chaque titre, contribuant à déclencher un intérêt permanent pour des phases s'enchaînant avec une grande fluidité. Quelques breaks incluent des parties parlées, ciment du concept de l'album ('World Of Grey', 'Stone Eagle').
En 2006, nous voyions en The Aurora Project un groupe d'avenir malgré une livraison au concept indigent. Vision prémonitoire puisque les Hollandais n'ont cessé de progresser et comptent aujourd'hui parmi les têtes de pont d'un rock progressif léché et inventif. "World Of Grey" en est l'aboutissement et plaira à tous les amateurs de prog et de néo et particulièrement à ceux de Pendragon, Arena, Pink Floyd, Sylvan, Subsignal ou Manfred Mann. C'est certainement un album qui comptera cette année parmi les productions majeures du domaine, de la part d'un groupe qui ne cesse de surprendre et qui sera désormais très attendu, … dans quatre ans.