Après trois années passées en immersion dans le projet des "Actes" puis le très conceptuel "Colour Spectrum" de 2011, avec "The Migrant" Casey Crescenzo oriente the Dear Hunter vers le premier "non-concept-album" de l’histoire du groupe. Il retourne vers des structures plus simples, restreignant la participation des instruments "classiques" et abordant des formats plus habituels que les longs enchaînements qui caractérisaient jusque-là son écriture.
"À moi la liberté !" a-t-il dû se dire… Ton plus direct - plus mainstream, diront certains ('Bring You Down', jolie petite gueule de hit) -, retour à des formats classiques (couplets/refrains), titres courts, moins de sophistication dans les arrangements vocaux, ce "Migrant" est certainement beaucoup plus adapté à un passage sur scène que les productions sophistiquées des "Actes". Revers de la médaille, la simplification du propos amène l’auditeur dans un univers totalement différent : certains aficionados du groupe pourraient bien ne pas s’y retrouver. Le constant souci mélodique est toujours présent ('This Vicious Place', très accrocheur malgré son rythme impair), mais mis au service de compositions simples qui suscitent la sympathie, mais pas l’emballement. Certains titres apparaissent bien légers ('Shouting at the Rain', 'Owls') et frisent malheureusement l’indigence ('Like Crazy').
Le dépouillement de certains morceaux les tire vers un style atmosphérique parfois proche d’Anathema ('Sweet Naiveté'), mais c’est généralement la rythmique qui apporte le plus d’originalité, Nick Crescenzo adorant les petits décalages qui enrichissent sa partition ('Let Go'). Finalement, le plus frappant dans ce "Migrant" est le soin que Casey Crescenzo a apporté à sa propre partition vocale : il a lui-même revendiqué un côté plus intime, et c’est ce que reflète sa prestation au micro. En isolant mieux sa voix, en précisant sa diction et en affinant son interprétation, il prend vocalement une autre dimension, extrêmement juste et sensible, qu’il va utiliser au mieux dans les "Actes" à venir.
Ce "Migrant" est clairement un ton en-dessous des "Actes" qui demeurent le grand œuvre de Casey Crescenzo. Cependant, en insufflant une certaine dose d’intimité dans son propos, cet opus récréatif apparaît comme un cheminement nécessaire dans le parcours du Dear Hunter. À réserver toutefois aux fans… ou aux curieux !