Le nouvel album de Cipher est une hydre à deux têtes. Un océan
de contradictions et de surprises. En effet, si le groupe est résolument ancré dans un thrash
teinté de heavy et de death, ce "Deviance" nous propose deux facettes diamétralement
différentes. L’une aussi décevante que la seconde est heureuse.
La première, qui se trouve être la moins exaltante, est constituée par neuf titres studio qui se voient pénalisés par un son par trop brouillon et qui manque
singulièrement de puissance. À tel point qu’il est très difficile, si ce n’est
impossible de comprendre les paroles éructées par un hurleur majoritairement bloqué en mode grunt et qui sont pourtant en français.
Il n’y a guère que sur le titre 'Anonymous' et le très bon 'Invidia' que les lyrics sont intelligibles. Dans
le même état d’esprit, la batterie, outre le fait qu’elle manque souvent de finesse, se révèle majoritairement monotone. Cela donne un thrash un peu lourdaud et
brouillon duquel les guitares parviennent tout de même à tirer leur épingle du
jeu, que ce soit en rythmique ou en soliste. Les parties rythmiques proposent en
effet souvent des riffs et des harmonies très réussies qui lorgnent vers un heavy très mélodique, alors que les parties lead, pourtant assez simples, se révèlent
globalement très efficaces et apportent au surplus des aérations bienvenues.
Sur cette partie studio un peu décevante, on
peut toutefois porter au crédit du groupe sa capacité à compenser cette
production défaillante en créant une ambiance lourde et glauque du meilleur
effet, à l’image des bruitages qui constituent le morceau 'Intro'
(qui porte bien son nom) qui nous plongent dans un monde post-apocalyptique
angoissant et sombre. Et c’est là la grande force de la partie studio de cet
album par ailleurs un peu monolithique : son aptitude à créer un univers inquiétant. Pour être totalement juste, il faut également signaler 2 OVNI : le rapide 'Invidia'
et le plus étrange 'Talion'. Deux morceaux qui s’affranchissent des défauts
précités pour nous donner à écouter un groupe jouissif et original. Deux grands moments.
Je vous avais promis deux facettes dans cet album. La seconde
est indéniablement plus réjouissante. En effet, parallèlement aux titres studio
en demi6teinte, Cipher propose 3 titres live qui se révèlent, eux, bougrement
plus excitants. La triplette de morceaux qui clôture ce disque se montre clairement plus convaincante, avec notamment un son bien plus mordant et efficace.
Difficile de faire ressortir un titre de ce tiercé gagnant. 'Deciphering The
Soul' est du meilleur effet, même si une fois de plus la prise son du chant
manque un peu de précision. L’instrumental 'Crimson Gate', par la force des choses, ne
pâtit pas d’une prise de son défaillante des vocaux, et parvient de ce fait à
nous entrainer dans un voyage musical aussi mélodieux que passionnant. Aussi incroyable que cela puisse être, tous les défauts que
l’on pouvait reprocher au groupe dans sa formule "studio" se
trouvent ici envolés, et Cipher nous propose un heavy metal lourd et habité du
meilleur effet, enflammant par là-même le final de son album.
Il n’est guère facile dans ces conditions de porter un
jugement sur ce disque qui comprend 5 excellents titres, mais également une
tripotée de morceaux lourdement pénalisés par une production indigeste. Un ratio somme toute plus qu'honnête mais qui laisse un sentiment amer, lorsque l'on songe à ce que le groupe aurait pu proposer avec plus de moyens techniques. Surprenant, Cipher attise la curiosité par sa capacité à faire émerger autant de pépites et donne clairement
envie de connaître son évolution future. Déroutant !