A peine six mois après la parution de son deuxième album, Elton John sort un nouveau disque intitulé "Tumbleweed Connection". En fait, si l’on compte le live "17-11-70" et la BO du film "Friends", ce sont quatre albums qui vont paraître en moins d’un an. Cet aspect prolifique s’explique par la rapidité à laquelle Elton John et Bernie Taupin sont capables de composer/écrire une chanson (chacun dans sa partie se vante de pouvoir livrer une copie aboutie en cinq minutes), mais aussi par la clause qui le lie à DGM et oblige Elton John à enregistrer deux albums par an. Une telle cadence ne peut éviter un certain déchet, et "Tumbleweed Connection" en apporte la confirmation.
De retour d’une tournée bien accueillie aux USA, le duo John/Taupin décide d’écrire un album conceptuel, ou plutôt thématique sur la musique et la culture américaines. Quelle part accordée à l’influence de l’Amérique sur les deux hommes, quelle part liée à un certain opportunisme les poussant à surfer sur leur récent succès pour s’ouvrir les portes du marché américain, l’histoire ne le dit pas !
Toujours est-il que la musique est bien moins mélancolico-romantique que celle de l’album précédent. Moins de ballades, plus de rocks mid-tempo s’essayant à la musique country et au rock sudiste, thématique oblige. L’orchestre est lui aussi relégué au second plan (on l’entend essentiellement sur ‘Come Down in Time’ et ‘Burn Down the Mission’) au profit d’une instrumentation plus rock, les guitares électriques et acoustiques aux avant-postes étayées par une paire rythmique bien assise. La slide guitar et l’harmonica participent à plusieurs titres pour leur donner ce côté Grand Ouest américain, ainsi malheureusement que quelques chœurs sirupeux typiquement grande variété made in US.
Curieusement, le piano est le grand perdant/absent de cet album. Souvent derrière les guitares, il se cantonne à marteler des accords pour soutenir le chant et ne daigne jamais nous honorer de quelques solos dont il a pourtant le secret. Enfin, si le chant est techniquement irréprochable, Elton John n’atteint pratiquement jamais le degré d’intensité de l’album précédent. Il faut attendre la fin de l’album (‘Talking Old Soldiers’ et ‘Burn Down the Mission’) pour qu’il retrouve enfin un semblant de charisme et une pointe d’émotion.
N’allez pas croire cependant que "Tumbleweed Connection" soit un mauvais album. L’écoute, loin d’être laborieuse, s’avère agréable mais aucun titre n’émeut vraiment ou ne donne l’envie de taper du pied. Tout est un peu lisse, un peu fade. Des rocks mid-tempo (‘Ballad of a Well-Known Gun’, ‘Son of Your Father’, ‘Amoreena’), seul le dernier est un tant soit peu entraînant. Les ballades ‘Come Down in Time’, ‘Where to Now St. Peter ?’ et ‘Love Song’ (cette dernière, seule chanson à ne pas être composée par le duo John/Taupin, a un faux air de CSNY) engendrent plus l’ennui que la mélancolie. Finalement ne se dégagent de l’ensemble que ‘Country Comfort’, un rock sudiste où l’on croirait entendre les Eagles, ‘Talking Old Soldiers’, ballade piano voix intimiste et prenante, et ‘Burn Down the Mission’ au refrain fédérateur.
L’idée d’Elton John était louable d’avoir voulu évoluer dans une ambiance différente de celle de l’album précédent mais l’essai est à moitié réussi. L’album s’écoute sans déplaisir mais sans véritable coup de cœur et ne contient aucune chanson marquante, aucun tube, contrairement à son prédécesseur qui en possédait plusieurs.