Après un album, injustement détesté par tous ses fans, Gentle Giant, accusé d'avoir été attiré par les lumières aveuglantes du show-bizz, donnait dans l'urgence un frère à ''Giant For A Day''. Rétrospectivement, on pourrait penser que le groupe conscient d'avoir joué sa survie en édulcorant son propos lançait son dernier va-tout... à la roulette russe ! Les climats ensoleillés de la Californie auront asséché l'inspiration de notre gentil géant.
Le son de l'album est à mille lieux des origines médiévales, exit toute la panoplie des instruments hétéroclites. Un peu plus que sur le précédent , le son mis en avant est du hard rock à première vue assez basique ('Clean And Easy', 'I Am A Camera', 'It's Not Imagination' dominé par ses claviers eighties). Malgré l'usage inconditionnel de rythmes binaires, le pouvoir de séduction de ce groupe est intact. La guitare de Gary Green enveloppe 'All Through The Night' d'une aura menaçante à laquelle répond le chant alarmé de Derek Shulman (malgré un refrain un peu mou), ou 'Number One' se distingue par ses cadences ralenties. Les chœurs et les claviers d' 'Inside Out' apportent eux un peu de relief à un ensemble feutré.
Derek Shulman s'est approprié le chant de façon autoritaire. Si sa voix grave fait encore des miracles (le refrain de 'Heroes No More', en guise de SOS avant le déluge), elle réduit l'apanage sonore du groupe à peau de chagrin ('Clean And Easy' ne convainc pas, 'Underground' nous interpelle vaguement). Cependant Kerry Minnear, dont la voix ne figurait pas dans le précédent album, se rappelle à notre bon souvenir avec le songe 'Shadows On The Street', qui légitime à lui seul l'achat et l'écoute compulsive de cet album.
Ultime clap de fin de Gentle Giant, qui a cruellement rempli ses objectifs : élargir les limites des musiques contemporaines au risque de devenir impopulaire.