Des années de travail, des heures et des heures passées chaque jour à jouer de son instrument, à étudier les gammes, les modes, les techniques toujours plus exigeantes. Alex Cordo est un guitariste doué et travailleur, surtout connu comme intervenant pédagogique du magazine Guitar Part, pour lequel il tient la rubrique la plus technique. Mais il est d’abord et surtout un musicien. Féru de musique classique et issu du conservatoire où il étudia le violon alto, il est l’auteur de l’impressionnant EP "Classics" paru en 2013, constitué de reprises de pièces symphoniques. Si de nombreux guitaristes se sont essayés avant lui à cet exercice souvent stérile, Alex Cordo a réussi le pari de l’interprétation fidèle aux œuvres originales, sans ajout de pistes instrumentales inutiles, comme si Moussorgski et Stravinski avaient composé pour guitare électrique.
Avec un tel bagage, la tentation aurait pu être grande de produire un nouvel opus de virtuose destiné à une caste d’aficionados du mode myxolydien. "Origami" est exactement le contraire. Pas de démonstration technique inutile, pas de virtuosité gratuite. Les neuf titres instrumentaux de l’album sont de vraies compositions musicales, accessibles et équilibrées. Ici la technique parfaite du guitariste est un moyen d’expression pour s’affranchir d’un chant devenu inutile, tant le superbe toucher du musicien délivre émotion et sensibilité, à la recherche permanente de la note juste.
Alors bien sûr, l’ombre tutélaire du maître Satriani plane sur l’album, notamment sur le titre ‘Straight’ qui n’est pas sans rappeler ‘Premonition’ du grand Satch. Mais à l’inverse de beaucoup de ses confrères, Alex Cordo a su s’approprier cette influence et "Origami" est une œuvre très personnelle. D’autant plus impressionnante que le Drômois a également composé toutes les parties de basse et de batterie.
Soutenu par une production sans faille qui met en valeur chaque instrument et chaque piste de guitare, l’album alterne avec bonheur les titres heavy et entraînants et les compositions aériennes et atmosphériques. Et mis à part le plutôt banal ‘The Crash Test’, morceau le plus faible de l’album, il est bien difficile de trouver le moindre défaut aux compositions. Les thèmes mélodiques sont beaux et accrocheurs (‘Memories’, ‘Hands Up’, ‘Sunny Day For An Opossum’) et brillent par leur sensibilité et leur pouvoir émotionnel (‘Above The Clouds’, ‘Himalaya’, ‘Prism’), même lorsque le guitariste s’aventure vers des territoires musicaux sombres et intrigants (‘Time For Redemption’).
"Origami" est un bel album, bien composé, intelligent et accessible à tout public, guitariste ou non. Une bouffée d’air pur dans le monde trop confiné de la guitare instrumentale.