Huit années auront été nécessaires pour voir Matmatah renaître de ses cendres. Souvenez-vous de ce groupe qui avait débarqué de nulle part en 1998, symbolisant malgré lui la résurgence d'une vague celtique avec l'album "La Ouache" et ses tubes 'Lambé An Dro' et 'L'apologie'. Au bout de 10 ans d'existence, le groupe tirait amèrement sa révérence après 4 albums marquant leur évolution vers des ambiances un peu plus agressives avec notamment "La Cerise", laissant sur le bord de la route son côté originel qui forgeait sa personnalité. La gravité de l'actualité de ces dernières années a fait que le groupe a souhaité s'exprimer de façon différente qu'auparavant. Aujourd'hui les thèmes adolescents et festifs ont laissé place à des préoccupations plus adultes teintées de nostalgie.
Tristan Nihouarn - dit Stan - (guitare et chant), Eric Digaire (basse) et Benoit Fournier (batterie), les historiques du groupe, accueillent au sein de la formation Emmanuel Baroux (guitare) qui a travaillé notamment avec Astonvilla et Axel Bauer, et Julien Carton (claviers). Enregistré dans le Yorkshire et fignolé dans les célèbres studios d'Abbey Road, ce nouvel album revêt une énergie très britannique sur la forme et surtout apparaît très concerné sur le fond.
Dès l'entame de ce nouvel album, les membres du combo finistérien prennent les choses avec implication en abordant le thème devenu classique de l'écologie avec 'Nous Y Sommes' traitant de la prise de conscience qu'il faut changer nos habitudes de consommation. Sérieux dans les sujets adoptés, Matmatah s'ouvre sur un monde tendu et pointe du doigt avec fiel la destruction de sites historiques en Syrie dans 'Petite Frappe' sur une musique illustrant une rage à peine contenue et un joli pré-refrain acoustique. Dans le titre conclusif 'Peshmerga', la bande à Stan use de paradoxe en soulignant la résistance qui s'organise dans les pays confrontés à la montée du terrorisme et à l'aliénation religieuse sur une base folk, à la Bob Dylan, presque enjouée et porteuse d'espoir.
Cette liste de thèmes difficiles pourrait rendre l'album anxiogène, mais il n'en est rien car le groupe trouve dans les textes le moyen d'apporter un peu de positivité en soulignant qu'il n'est pas trop tard pour être acteur du changement avec un peu d'amour ('Lésine Pas'), le tout sur une musique résolument énergique et rock paradoxalement exempte de lourdeur. Collant avec une actualité plus proche de nos contrées, 'Marée Haute' dégaine avec ironie un texte teinté de fatalisme sur l'impunité politique, sur l'amnésie collective grâce à laquelle certains politiques se font réélire malgré les malversations fondées ou pas.
Loin d'être anecdotiques, d'autres titres se veulent relativement plus légers. Ainsi 'Toboggan' fait place à une sorte de mélancolie quelque peu enfantine où Matmatah explore un style atmosphérique en partie centrale. Le nerveux 'Retour A La Normale' est un clin d'œil au destin en évoquant de façon amusante la renaissance du groupe. Contrepartie de ce départ canon, d'autres titres vers la fin de "Plates Coutures" peinent à maintenir cette intensité en raison de quelques compositions plus secondaires comme 'Magipop' un brin répétitif ou bien 'Overcom' qui dénonce un peu maladroitement ou de façon simpliste la surmédiatisation et l'information imposée.
La voix de Tristan n'a pas perdu de sa superbe dans un phrasé aigu et dynamique, soutenue par la guitare véloce du petit nouveau apportant au groupe du sang neuf plus nerveux. La section rythmique joue parfaitement son rôle de dynamique s'adaptant parfaitement aux atmosphères développées. Le tout est agrémenté par les interventions judicieuses de Julien Carton aux claviers apportant de la lumière et de l'épaisseur à la musique de Matmatah grâce à un mixage judicieux et subtil.
Certains feront observer que les textes sont parfois empruntés et peut-être un peu trop premier degré, d'autres regretteront l'absence d'incursion celtique dans cette nouvelle offrande. Alors certes les paroles ne sont pas absconses et la musique se veut classique pour ce style, mais aujourd'hui, dans un rock français moribond, en hibernation et trop aseptisé, le retour de Matmatah sur le devant de la scène apporte une certaine fraicheur malgré quelques maladresses. En outre, le groupe ne s'est jamais réclamé porte-étendard de la musique celtique, ne s'en estimant simplement pas la force. Durant cette absence, le groupe a grandi et mûri sa réflexion pour être moins centré sur lui-même. Il ouvre ainsi le champ du possible à des sujets plus graves. Un retour qui fait du bien.