Trois ans après la sortie de "Manslaughter", leur précédente
production, et un quart de siècle après leur phénoménal premier album éponyme, Body
Count nous revient avec ce "BloodLust". La question qui se pose est de savoir si nous y retrouverons la plupart des ingrédients qui ont fait de
leur premier opus cette bombe de thrash metal matinée de rap et de pop, à
savoir des guitares très agressives, un chant vindicatif, des rythmiques plombées
et des textes hargneux.
Pour ce qui est de la présence de tous ces éléments belliqueux,
nous ne sommes pas déçus : "BloodLust" est incisif et rentre-dedans. Les
guitares de Ernie C, dont on apprend qu’il est à la genèse artistique du
groupe, sont toujours aussi efficaces à l’image du magnifique solo du véloce
'Civil War'.
De manière générale, les thèmes, aussi bien que la manière de les
traiter, restent assez immuables chez Body Count : la virilité, l’amitié
trahie, la violence, les inégalités sociales, le culte de la revanche… Et sans surprise,
cela est fait de manière un tantinet… adolescente, c'est-à-dire sans beaucoup de second degré ou
de recul. Il s’agit toujours de jets d’émotions impulsives sur le fond, et provocantes
dans leur forme. Il faut simplement considérer que cet alliage de
gros mots, de sonorités violentes (sirènes de police, coups de feu…), et de
fanfaronnades musclées, aussi bien que les discours ('Raining Blood', 'No Lives
Matter') ou extraits de déclarations de type journalistique ('Civil War') qui
émaillent ce disque, fait partie de l’identité du groupe. C’est souvent intéressant et instructif à la première écoute, mais cela casse un peu le rythme du disque, d’autant
plus lorsque ces intermèdes interviennent au milieu d’un titre, comme cela
peut-être le cas avec 'No Lives Matter'. Et si, à titre d’exemple, il est
intéressant d’entendre Ice T parler des influences musicales qui ont mené à la
création de Body Count, et donc des raisons qui motivent la reprise d’un titre
des bas du front de Slayer, le fait d’avoir à réécouter invariablement ces 50
secondes de monologue en préambule au titre est vite… irritant.
Une autre caractéristique qui atténue légèrement l’efficacité de "BloodLust" est son relatif manque de diversité. Là où son auguste devancier était
une véritable montagne russe en termes de rythmes et d’émotions, ici le
propos est plus homogène et donc moins surprenant. C'est par exemple
sensible sur 'Black Hoodie' où le chant de Ice T, qui se veut très agressif, se montre
uniformément véhément, à tel point que cette absence de relief dessert
l’objectif recherché, pour un résultat assez anecdotique.
Mais ces légers bémols sont de peu de poids au regard du
plaisir que nous avons à retrouver le groupe enfin armé d’un album solide et consistant, et non plus seulement d’une bonne chanson noyée au sein d'un disque dispensable. Car si la place consacrée aux petits défauts de "Bloodlust" peut paraître importante, elle doit s'entendre dans le cadre de l'adage : qui aime bien châtie bien ! Et si ce nouveau disque ne parvient tout de même pas à nous
faire revivre les mêmes folles émotions que "Body Count", il n’en reste pas
moins un des meilleurs albums du groupe depuis… bien longtemps.
A noter que, comme il l‘avait initié sur "Manslaugher", dans
lequel le groupe avait repris un titre de Suicidal Tendencies, ici c’est un
autre des trois groupes ayant présidé à la création de Body Count qui est mis à l’honneur :
Slayer dont le 'Raining Blood' est revisité. Ne reste plus qu’à tenir les
paris concernant une reprise de Black Sabbath dans le prochain Body Count…