A 71 ans, Debbie Harry a toujours bon pied bon oeil. En 1999, le groupe culte des années 70 et 80 avait réussi un retour aussi inattendu que gagnant, propulsé par un tube mondial, 'Maria'. Ce succès avait paradoxalement dissimulé la folie créatrice de ce groupe pas comme les autres, qui s'est longtemps plu à jouer avec les styles (new-wave, reggae, disco, rap) en évitant toute redite (notamment sur le précédent album avec une incroyable reprise du 'Relax' de Frankie Goes To Hollywood). Pour cette nouvelle fournée, il a fait confiance à de nouveaux compositeurs dont Johnny Marr, Nick Valensi (The Strokes) Sia ou encore CharliXCX.
Dès les premiers morceaux, le fan peut se rassurer, Blondie est toujours Blondie. ´Long Time´ avec ses rythmiques tournoyantes rend hommage à ´Heart Of Glass´, la vitesse ultrasonique de ´Doom Or Destiny´ et le spatial´Gravity´ penchent plutôt vers ´One Way Or Another´, alors que ´Fun´ pourrait susciter un revival disco. Le groupe nous accompagne dans une machine à danser remontant le temps, donnant un souffle moderne à ces rythmiques disco-funk et sculptant avec ces titres précités des tubes en puissance. Blondie est avant tout une voix, celle de Debbie Harry, à tel point que l'auditeur inattentif peut croire en fantasmant que la chanteuse porte son nom. Cette voix envoûtante, magnétique, qui aurait pour vertu principale de nous charmer, est toujours intacte malgré le passage du temps, que l'on peut saisir sur la ballade ´When I Gave Up On You´, où le timbre se révèle volontiers plus rocailleux, voire doux .
Sur la scène comme à la ville, Debbie Harry et Chris Stein sont indissociables et il est vrai que la guitare de ce dernier est pour beaucoup dans le son de Blondie, comme le rappelle le solo de guitare rafraîchissant sur 'Doom Or Destiny'. A l´inverse des grandes heures, le clavier n´est plus tenu par le fringant Jimmy Destri depuis quelques albums mais pour autant, il ne faudrait pas fustiger Matt Katz-Bohen (arrivé en 2011) qui n´est pas plus manchot que son prédécesseur comme l´attestent le old school ´My Monster´ ou ´Too Much´.
On pourrait toutefois accuser l´illustre formation de ne prendre que peu de risques comme aux grandes heures (´Rapture´, ´Die Young Stay Pretty´) et se contenter de régler sa boite à musique sur le mode automatique, comme sur les couplets peu convaincants de ´Best Day Or Ever´ où Debbie Harry semble se forcer à suivre la partition. Mais pour juger d´un album, il faut l´écouter jusqu´au bout. Deux des derniers morceaux ´Love Level´ et ´Fragments´ valent le détour. Le premier est un duo funk enrichi de trompettes avec l´acteur John Roberts. ´Fragments´, dernière offrande, surprendra l'auditeur devant autant d´audace, un vrai bijou pop au même titre qu' un 'Drink Before The War' de Sinéad O'Connor. Démarrant comme une ballade mélancolique, le morceau passe la cinquième vitesse, le chant devient plus agressif, Clem Burke est en transe à la batterie, avant de s´achever dans une ambiance plus intimiste, piano et voix en avant.
43 ans après son premier album, Blondie nous livre un agréable cadeau : un disque qui invite à un voyage intemporel sur lequel souffle un air moderne. Blondie tient de nouveaux tubes en puissance (´Gravity´, ´Fun´, ´Doom Or Destiny´) pour repartir en tournée autour du globe.