Imaginez que vous venez de vendre un album à plus de 10 millions d'exemplaires, rien qu'aux Etats-Unis. Pour cela, vous avez pris la peine de faire évoluer votre identité musicale et avez mis en place un redoutable plan marketing qui a atteint des résultats au-delà de vos espérances. Lorsque se présente la période d'écriture du successeur de cet opus directement entré dans la légende du Rock, quelle voie allez vous suivre ? Réutiliser la même recette en la faisant à peine évoluer, ou prendre des risques démesurés en changeant tout ou nombre des éléments qui vous ont conduits sur les sommets ? Dans le cas des ZZ Top, c'est bien la première solution qui est choisie, d'autant que Dusty Hill a failli y rester en ce début d'année 1985. Alors que sa moitié l'aidait à retirer ses bottes après une promenade aux alentours, l'arme glissée dans l'une d'elles tomba malencontreusement en faisant feu, logeant une balle dans le ventre du plus célèbre des bassistes barbus.
Reprenant les choses où ils les avaient laissées avec "Eliminator", les trois Texans offrent donc 10 nouveaux titres qui, pour la plupart, auraient pu sortir des sessions d'enregistrement de cet opus. Les riffs imparables de 'Stages' ou 'Dipping Low (In The Lap Of Luxury)', du plus cinglant 'Wake Up With Wood' ou de l'énergique et humoristique 'Planet Of Women', sont tous d'une efficacité sans faille. Le mélange de la section rythmique basique, des riffs simples mais irrésistibles, des refrains hyper accrocheurs et des soli lumineux, fait toujours son effet. Bien sûr, la présence des synthétiseurs continuera à défriser les intégristes, d'autant qu'elle se fait parfois un brin trop envahissante ('I Got The Message'), mais en ces années 80, elle est à la mode et permet à Gibbons & Co. d'être une des rares formations associant ingrédients métalliques et succès auprès du plus grand nombre.
L'un des tours de force de ZZ Top, c'est de réussir une nouvelle fois à offrir un ensemble hyper cohérent mais jamais linéaire. Avec ses claviers omniprésents, 'Sleeping Bag' ouvre les hostilités avec cet espèce de hard-électro aussi évident qu'irrésistible, qui annihile d'entrée toute tentative de résistance. Sur les titres les plus roots mais toujours dans le ton, Dusty Hill s'empare du micro pour balancer un 'Can't Stop Rockin' ' direct et entraînant, et un 'Delirious' qui clôture l'ensemble de manière cinglante à la manière d'un 'I Got The Six'. Et puis il y a les deux sommets de ce "Afterburner" qui sont la ballade ultime 'Rough Boy' et le claquant 'Velcro Fly'. Blues électrique aux multiples soli épurés, le premier deviendra un tube interplanétaire, alors que le second n'est pas sans rappeler 'Thug' du précédent opus, avec sa basse claquante et ses synthétiseurs envahissants et typiques de l'époque.
Si l'effet de surprise provoqué par "Eliminator" n'est plus d'actualité, l'efficacité et l'accroche sont toujours aussi imparables et permettent à "Afterburner" de continuer à creuser le sillon entamé par son prédécesseur. Il est évident que ZZ Top n'a pris aucun risque artistique et n'a quasiment rien changé à la recette originale qu'il avait créée deux ans auparavant, mais il réussit quand même à continuer de surfer sur un succès bien mérité. Bien que moins importantes que pour "Eliminator", les ventes se révéleront une fois de plus astronomiques. Par contre, les Texans seront attendus au tournant de leur prochain album pour lequel ils ne pourront pas se permettre de faire du recyclage.