Chanteur de Push UK et Wild Rose, et grand amateur d'AOR, David Saylor nous a quittés à l'aube de l'année 2017, victime d'un infarctus massif. Il n'aura donc pas eu le temps de voir quel accueil sera réservé à son dernier projet intitulé Santa Ana Winds. Pour ce premier (et dernier ?) opus éponyme, l'objectif était de mettre en lumière des titres passés totalement inaperçus durant les années 80. Épaulé par Jon Dewsbury, avec lequel il a assuré l'interprétation de tous les instruments, il a également partagé le chant avec Brad Henshaw (Blues Brothers, The Road Kings) et Rebecca Owen. Autant dire que ce projet était essentiellement celui de passionnés et que l'objectif commercial se devait de rester mesuré car ayant peu de chance de toucher un large auditoire.
Pourtant, le résultat pourrait aisément trouver un public amateur de douces mélodies et frappé de mélancolie à l'écoute de ces huit titres. Même si la production est bien ancrée dans son époque, le son vient directement des 80's avec ses claviers délicieusement surannés et une rythmique discrète et souvent linéaire. Malgré le lifting apporté par David Saylor, force est de reconnaître que certains titres justifient le fait de n'avoir pas marqué leur époque. Mid-tempo aux accents Westcoast, 'In Time' ressemble à un encéphalogramme plat, et ce n'est pas le chant trop maniéré de la débutante Rebecca Owen qui sauve l'auditeur de l'ennui profond. Dans un style totalement différent, la reprise du 'Blinded' de Stan Bush ne manque pas de surprises. La réputation de son auteur n'étant plus à faire, il est étonnant de retrouver ce titre au milieu de ceux d'illustres inconnus. Mais le pire vient du fait que le 'Slave To Love' de Quiet Riot ("III" - 1986) vient immédiatement à l'esprit tant il est ici cloné. Le refrain est exactement le même, en dehors des paroles (et encore), et les couplets sont d'une proximité évidente.
Malgré ces fautes de goût, "Santa Ana Winds" se révèle pourtant un opus attachant, en particulier les titres interprétés par l'excellent et étonnant Brad Henshaw que nous n'attendions pas dans ce registre. Avec un chant très proche de celui de John Payne (Asia, GPS), il transcende le dynamique et accrocheur 'Don't Stand In My Way' qui ouvre les hostilités avec son clavier aussi désuet qu'obsédant. 'Love Is A Mystery' semble sorti de la discographie d'Asia avec ses claviers aériens et prégnants, alors que la ballade 'You' se fait particulièrement émouvante. En dehors de 'Blinded', les titres interprétés par David Saylor se révèlent également dignes d'intérêt. Avec sa petite mélodie de claviers lancinante, 'Clocks' plonge l'audience dans une obscurité mélancolique et ouatée, tandis que 'If We Call It Love' vient clôturer l'ensemble avec dynamisme alors qu'il ne s'agissait à la base que d'une démo du groupe Fake ID. Enfin, Rebecca Owen rattrape la mauvaise impression laissée sur 'In Time' à l'occasion d'un 'Tear' beaucoup plus accrocheur et bénéficiant de jolis soli.
Sans révolutionner le paysage de l'AOR, ni se faire indispensable, cet opus n'en est pas moins une délicieuse plongée dans les heures de gloire de ce style musical. Il touchera essentiellement les générations qui ont eu la joie de baigner dans l'époque qui vit la naissance et le succès d'une musique hyper mélodique s'appuyant sur des claviers en pleine révolution. Mais au-delà des mélancoliques, il pourra satisfaire un public amateur de ce genre né en Amérique du Nord mais que plusieurs formations européennes, en particulier en Scandinavie, s'acharnent à maintenir en vie avec un succès suffisant pour encourager la renaissance de groupes revenus du fond des âges.