Creeping Fear est une formation francilienne née en 2009. Naviguant dans le thrash à ses débuts, elle s'est rapidement dirigée vers un death d’obédience old school, en désirant toutefois aborder cette musique de façon toute personnelle.
Déjà l'EP précédent ("World Execution") portait en lui les graines de la discorde et les semences d'une puissance mortifère. Ce nouvel opus nommé "Onward the Apocalypse" ne déroge pas à la règle, car englués dans une mélasse sonore, nous sentons un combo passé maître dans l'art sadique de la tuerie de masse, qui maîtrise son sujet musical sur toute la ligne.
Comme le souligne le titre, c'est une apocalypse musicale qui se déverse dans nos oreilles, tant la musique est à la fois épaisse, sombre, violente, sans concession et gavée jusqu'à plus soif de mélodies troublantes. Ainsi, la seule et unique référence à laquelle peuvent prétendre nos Franciliens est bel est bien la bande à Erik Rutan et David Vicent, habiles pourfendeurs de cavités auditives, les illustres Morbid Angel. Il plane sur cet opus un goût immodéré pour la puissance, ainsi qu'un désir de s'extraire de la masse grouillante de formations morbides, ou tout simplement l’envie de faire froid dans la dos.
Sur cette galette se retrouve gravée au fer rouge la puissance intrinsèque du groupe, portée par des murs de guitares âpres. Les six-cordes sont démultipliées et occupent tout l'espace sonore, et les interventions solitaires de guitare sont dissonantes et ouvrent vers des routes inconnues, vers des mondes harmoniques étranges, où les cordes sont abusées et les barres de vibrato maltraitées à la limite de la rupture. S’il était possible de reprocher à l'EP précédent de proposer une voix parfois étouffée par l'épaisseur vibratoire des riffs omniprésents, les vocaux sont ici plus facilement identifiables : les hurlements ne sont plus simplement dans une veine purement grunt, mais multiples, schizophrènes et variés, comme l'exigent les canons du death moderne.
Dès les premières secondes de 'Life Denied', nous sommes ainsi terrassés par ce marteau pilon musical : après quelques sonorités d'ambiance, la première étape débute par un blast dantesque. Nous sautons donc à pieds-joints dans la version la plus old school du genre, portée par un tapis de bombes de guitares aux riffs puissants, sorte de mélasse sonore sur laquelle la voix vagit à qui mieux mieux, entre piggrowls bestiaux et grunts infernaux. Puis comme pour parachever ce paysage à la noirceur opaque et moite, convier les fantômes des anges morbides, des immolateurs, des adorateurs de la haine éternelle, ou des âmes damnées hantant des chemins obscurs, l'intervention solo de la six-cordes nous jette à la gueule des vibrations enharmoniques, des intonations étranges convoquent l'esprit de la musique atonale.
La seconde étape ('Divine Casualties') pourrait paraître un tantinet plus classique, presque plus convenue : la surprise est passée et le terrassement supporté, nous voici donc voguant avec délectation sur cette mer de cadavres putrides... C'est alors que 'Trench Of Desolation' écrase le tempo, puis met à mal l'auditeur, le jette à terre avec cette composition lente, qui accélère de manière très subtile...
Creeping Fear frappe donc un grand coup, provoque l'émoi des amateurs de la face la plus extrême de la musique actuelle. L'opus est détonnant et maîtrisé de bout en bout, convoquant les esprits de Morbid Angel, Suffocation, Hate Eternal ou Immolation. "Onward the Apocalypse" déverse dans nos oreilles des effluves mortifères âpres et fétides, comme une charogne pourrissant sous un radieux soleil printanier.