Deux ans après un "Devil's Canyon" (1996) porteur d'espoirs, Molly Hatchet est de retour avec un line-up inchangé, fait assez rare pour être signalé. Doté d'une superbe pochette réalisée par le célèbre Paul Raymond Gregory, "Silent Reign Of Heroes" semble être là pour battre le fer tant qu'il est chaud. Ceci ne manquera pas de laisser pérorer ceux qui considèrent que l'absence de membres fondateurs au sein de la formation enlève toute crédibilité à cette dernière, et ceci en dépit du nouvel équilibre qui semblait poindre sur le précédent opus. La véritable question est donc de savoir si "Silent Reign Of Heroes " va confirmer l'harmonie naissante entre les différentes influences des Floridiens.
Et la réponse est oui sans aucune ambiguïté, le résultat allant même au-delà des espérances déclenchées par "Devil's Canyon". En effet, si l'approche hard-rock du sextet semble prendre un léger recul, elle reste cependant présente sur un 'World Of Trouble' à l'ambiance guerrière et écrasant tout sur son passage telle une compagnie de chars Sherman. Quant au reste, en dehors de la reprise acoustique du 'Fall Of The Peacemakers' dont il faudra chercher l'utilité, il offre une véritable démonstration du savoir-faire de Molly Hatchet. De l'introductif 'Mississippi Moon Dog', bon gros rock sudiste bien graisseux lacéré de grands coups de slide, à l'épique 'Saddle Tramp' s'étirant sur plus de 7 minutes, rien n'est à jeter. Même l'exercice de la ballade est réussi avec un 'Just Remember (You're The Only One)' classique à la mélancolie soyeuse.
Les boogies sont d'une efficacité imparable avec des refrains hyper accrocheurs et des ambiances aussi grasses qu'entraînantes. Sur 'Miss Saturday Night', John Galvin sort de sa réserve générale pour un irrésistible solo de piano bastringue, alors que 'Dead And Gone (Redneck Song)' se voit renforcer par un harmonica rutilant. Mais c'est bien sur les titres les plus ambitieux que les sudistes mettent tout le monde d'accord, et en particulier sur un éponyme dont l'introduction à la cornemuse ne laisse pas envisager l'accélération centrale qui lance une cavalcade guitaristique comme Molly Hatchet en a le secret depuis ses débuts. Il est d'ailleurs à noter la discrétion globale d'un John Galvin qui se cantonne le plus souvent au tissage d'ambiances. Son solo sur 'Miss Saturday Night' et le piano tournoyant d'un 'Blue Thunder' rapide et énergique font figure d'exceptions et renforcent le sentiment que le claviériste trouve enfin sa place. Seuls les synthétiseurs pompeux de la reprise acoustique du légendaire 'Fall Of The Peacemakers' ("No Guts... No Glory" - 1983) viennent entacher une prestation sans faille.
A la surprise générale, Molly Hatchet prouve qu'il est encore capable de proposer de grands albums d'un rock sudiste à la fois entraînant et velu. La nouvelle formation semble avoir trouvé son équilibre, que cela soit au niveau de la place de chacun de ses membres ou en ce qui concerne les différentes influences qui ont fait l'identité du groupe. L'histoire de la formation floridienne n'étant pas un exemple de stabilité, il reste désormais à espérer que la suite viendra confirmer ce bel opus et permettra au sextet de retrouver sa place au panthéon du genre.