Mine de rien, la France recèle un vivier de talents insoupçonnés suceptibles de maintenir l’étincelle qui peut raviver une scène rock française en hibernation. Et c’est des désormais Hauts-de-France que provient cette lueur avec Rich Robin. C'est après avoir traîné ses guêtres dans les bars et scènes nordistes (de France et de Belgique) et livré un premier EP en 2016 que le groupe originaire de Lille propose ce premier album qui se présente comme une hydre musicale à plusieurs têtes, autant de facettes dans lesquelles le rock peut se jumeler à d'autres styles tels que le hard rock, le blues voire le heavy.
Tout en adoptant un rythme effréné où l'auditeur pourrait vite avoir le vertige, "Trigger" s'accommode de ces multiples aspects pour livrer une œuvre cohérente, énergique et bien troussée. C'est là où se cache toute sa force. L'album se veut extrêmement narratif en ce sens que le chant tient une grande importance, allié à une musique à son service et inversement. Il n'y a aucune démonstration technique et tout est bien pensé, calibré avec un feeling impressionnant pour un premier album. Dès 'Under Water' l'auditeur sera happé par des sonorités hard rock auxquelles le blues fait écho, un titre porté en grande partie par la voix de Samir Ziatt qui possède une patine singulière, reconnaissable aux intonations qui rappellent celles du chanteur d'Aerosmith, Steven Tyler ou Gary Cherrone d'Extreme. Il sait évoluer vers une rugosité dans les refrains et se montrer nuancé dans les couplets - il serait intéressant d'utiliser son timbre caméléon dans un registre funk.
L'ensemble de "Trigger" est assurément groovy, notamment dans le monumental 'Beyond The Limits Son Of The Bitch' dont les sept minutes passent à toute allure, surtout dans sa deuxième partie. 'Wolf For A Man' constitue un des sommets de cet album qui se pose avec ce titre, offrant une belle respiration parmi ce déluge musical en revêtant les allures d'une power ballade rock US bienvenue. Mais chassez le naturel, il revient au galop au sens propre, s'illustrant par la rythmique qui accompagne un 'Nature Child' sauvage au final explosif. La section rythmique aura eu auparavant les honneurs d'enrober de son aisance 'The Mergering Of Two Souls' dont l'ambiance rappelle quelque peu la Nouvelle-Orléans.
L'ombre des influences plane sur ce disque : peuvent être cités les Foo Fighters pour l'énergie, Saliva pour les incantations clamées dans le final de 'Nature Child' mais aussi Velvet Revolver. Et là où Rich Robin fait fort, c'est en réussissant à marier et à combiner ces différentes atmosphères tout en paraissant simple. En outre la production sublime l'ensemble grâce à une amplitude rarement entendue pour un premier essai.
En conclusion, les Nordistes frappent un grand coup. Les gens du Nord ont dans leur cœur le soleil qu'ils n'ont pas dehors, mais également possèdent une âme rock, énergique, chaude qu'ils partagent avec une grande générosité : à voir vivre sur scène, ça doit remuer ! Chapeau.