Nous attendions beaucoup de Deserted Fear, artisan, à l'époque de son unique démo et de l'inaugural "My Empire" (2012), d'un death metal old school, baveux et minéral tout ensemble. Las, deux ans plus tard, les limites de ce trio allemand commençaient déjà quelque peu à affleurer à la surface d'un "Kingdom Of Worms" certes ultra efficace et solide mais trahissant des velléités mélodiques qui ne s'imposaient pas.
Si le fait d'être désormais hébergé chez le puissant Century Media couronne son ascension fulgurante et devrait lui apporter l'exposition qui lui manquait encore, ce changement contractuel, qui l'a vu déserter les rangs de son label historique FDA Rekotz, véritable vivier de groupes dévolus à une expression du genre bien underground, témoigne avant tout de cette rapide évolution vers un metal de la mort de moins en moins cendreux quoique toujours riche d'un plomb morbide.
En toute logique, "Dead Shores Rising" vient confirmer cette direction qui voit les Teutons se glisser dans les pas suédois d'un Amon Amarth alors que le jus néerlandais ou finlandais leur servaient à leurs débuts de carburant, ce dont il reste quelques traces, mais pas assez à notre goût, témoin ce 'Open Their Gates' sur lequel plane (parfois) l'ombre de Martin van Drunen, malheureusement contaminée par un sirop trop mélodique.
Cette réserve posée, reconnaissons que Deserted Fear n'a (plus) de leçon à recevoir de personne en matière de décrassage en règle de tous les orifices, galopant à travers un cimetière dont le sol vibre des coups de boutoir de zombies en train de s'ébattre, même si l'état de décomposition de ceux-ci ne se révèle donc pas aussi avancé que ce que nous aurions souhaité. Mais qui peut affirmer que ce troisième album ne respecte pas son cahier des charges à base d'un bon vieux death metal des familles, guttural mais pas trop, accrocheur et taillé pour les festivals européens.
Certaines facilités ne sont pas toujours évitées, à l'image d'un 'Carnage' qui montre les Allemands pris en flagrant délit de fainéantise, tandis qu'un air de déjà-entendu tenace imprègne une seconde partie dont n'émergent que 'Face our Destiny', zébré de soli incandescents ou bien, quoique dans une moindre mesure, 'Carry On' à l'amorce toute en rondeur. En revanche, plus jubilatoire, la première moitié enfile quelques morceaux de choix, de 'The Fall Of Leaden Skies' à 'Corrosion Of Souls', sans oublier 'The Edge Of Sanity' et surtout le déjà cité 'Open Their Gates'.
Avec ce "Dead Shores Rising" néanmoins hyper carré, demeure cette impression que Deserted Fear cherche trop désormais à polir un matériau qui aurait gagné à conserver cette croûte sinistre qui s'est dissoute finalement dans des aplats vierges d'une quelconque noirceur.