Au crépuscule des années 70, la bouillonnante scène rennaise avait pris fait et cause pour le punk anglais. Parmi ces jeunes gens chics et modernes, Frank Darcel avait évolué parmi les cadors comme Marquis de Sade ou Octobre, puis avait ensuite ajouté une corde à son arc en produisant "La Notte, La Notte", l´album qui allait révéler son collègue rennais Etienne Daho. Après s'être essayé avec succès à l´écriture de romans, il semblait évident que Frank Darcel avait de quoi passer une vie rangée loin des amplis. Mais depuis sept ans, cet infatigable Breton est revenu avec un nouveau projet : Republik.
Après un premier album, tout autant marqué par son éclectisme que sa pléiade d´invités (Yann Tiersen, les époux Tina Weymouth et Chris Frantz de The Talking Heads), Republik nous propose une invitation au voyage avec "Exotica" sur lequel les trois musiciens et leur myriade d´invités (certes moins connus que les précédents) vont être mis à rude épreuve, pour tenter de concrétiser les espoirs du premier album.
La musique de Republik se fait lancinante, comme pour mieux nous accompagner dans ce rêve éveillé. 'Exotica' nous envoie vers une contrée chimérique, sous le soleil levant, 'Far Out Of Sight' nous hypnotise à coup de percussions et par ses chœurs masculins fédérateurs et l'ultime morceau prolonge la transe avec les doux accents de la trompette d'Eric Le Lann, cependant que 'Elle Dit' avec sa démarche chaloupée joue la carte de l'inquiétude. Après le départ du précédent chanteur, Frank Darcel s'est positionné derrière le micro et par bonheur a conservé cette place. Chargée d´émotions, cette voix rocailleuse, mélancolique, mais infiniment chaleureuse, nous invite à nous y suspendre. Le caractère intimiste du chant abolit les frontières spatio-temporelles, de la nostalgie en clair-obscur de 'Berlin', au chant fragile et syncopé de 'Le Sel' ou de 'En Ce Jour On Ressent'. Le passage de la langue anglaise à la langue française se fait naturellement, sans accroc.
Bien que rock intimiste, Republik est également capable de faire parler la poudre. Les guitares se font tranchantes, sans concession, tandis que la section rythmique écrase ceux qui seraient encore insensibles. Sur 'Tu Seras Mon Ombre', le trio trouve une entente énergique sur un texte d'amour écrit à l'encre noire, tandis que l'urgent 'The Ride' se démarque par ses rythmes accidentés. 'Magic Girls Are Back In Town' ou 'I Wanna Be Your Car' possèdent quant à eux des sons plus proches du garage - ce qui paraît légitime en ce qui concerne ce dernier titre.
Republik poursuit son ascension. Entre chaleur et froideur, ce trio peut à l'instar des paroles de 'Tu Seras Mon Ombre' apercevoir "Exotica [...] bientôt en vue". L´objectif est entièrement atteint. Frank Darcel prouve qu'il fait partie d'une grande famille de vocalistes, aux côtés d'Alain Bashung et de Rudolphe Burger. Bien que noirs et dépourvus d'humour, les textes ne vous plongeront pas dans l´abîme, mais apporteront paradoxalement une énergie qui vous maintiendra à distance des abysses. Au final, "Exotica" risque de devenir un véritable coup de cœur.