Eric Gales, ex-jeune prodige, est un guitariste atypique dans le monde du blues et celui de la six cordes. Outre sa ressemblance avec Samuel L. Jackson, troublante sur la pochette de son nouvel album, cet Américain de 43 ans est gaucher mais utilise une guitare de droitier. En plus, il conserve l'accordage sans l'inverser ce qui est assez rare. Et quand on sait que le bonhomme fait des tutos de blues sur la toile, on peut se demander à combien de personnes cela s'adresse vraiment. Joe Bonamassa parle de lui comme "... l'un des meilleurs guitaristes au monde, si ce n'est le meilleur". Carte de visite.
"Middle Of The Road" est déjà le dixième album du natif de Memphis, une ville chargée d'histoire du rock et du blues. Du blues ? Y'en a ! Et du bon. Inspiré du gospel à l'énergie communicative, 'Good Time' ouvre le bal avec un riff simple, saccadé et efficace. Dans un même registre soul incantatoire mais plus intimiste 'Help Me Let Go' semble lui aussi empreint des effluves d'une église en bois blanc surplombant un petit village sudiste.
Issus d'un blues plus classique, 'Change In Me', 'Boogie Man' (cover de Freddy King) et 'Been So Long' mettent en exergue la virtuosité de Eric Gales avec ce son clair et ses soli virevoltants qui ne sont pas sans rappeler Steevie Ray Vaughan, source d'inspiration visiblement présente tout au long de ce "Middle Of The Road". Le blues encore plus typé roots de 'Swamp' ou de 'I've Been Deceived' renvoie, quant à lui, aux racines de la musique noire américaine.
La première moitié de l'album ayant servi à rassurer les fans de blues, Gales explore ensuite d'autres contrées musicales en s'égarant tour à tour du côté reggae avec un 'Help Yourself' très dansant, puis groove sur le funkisant 'Repetition' à la basse ronflante slappée et ce son groovy rappelant les premiers albums des Red Hot Chili Peppers. Plus modernes, 'I Don't Know' avec son rythme saccadé et sa beat box, et 'Carry Yourself' dans une veine rock plus métallique, montrent l'étendue du talent créatif d'un Eric Gales visiblement au sommet de sa forme.
Il serait donc réducteur de cantonner Gales au seul blues puisque le guitariste propose un album d'un éclectisme exemplaire tout en gardant une ligne directrice fruit de son écriture et de son jeu désormais bien reconnaissables. Blues, funk, rock, swamp, gospel, reggae ? Y'en a aussi, et pour tous les goûts sur ce "Middle Of The Road". Cet album d'une maturité et d'une maîtrise exceptionnelles pourrait bien toucher un public très large et amener chacun à apprécier l'ensemble de l'album dont la variété dispute la vedette à la qualité d'écriture avec une fluidité étonnante, résultat d'un travail de composition et de production impeccables.