Pour paraphraser Robert Desnos, un éléphant sur une branche d'arbre ça n'existe pas, ça n'existe pas... En revanche, la rencontre entre Isildurs Bane, groupe de rock progressif suédois à la personnalité affirmée, et H, chanteur de Marillion, existe bel et bien. Abandonnant ses acolytes après un "F.E.A.R." plutôt réussi, notre Anglais s'est senti attiré par la fraicheur et la particularité de nos amis suédois qui n'avaient pas sorti d'album depuis fort longtemps.
Pour ceux qui l'auraient oublié ou qui ne connaissent pas Isildurs Bane, le groupe a été l'un des fers de lance du style progressif des années 90 jusqu'au milieu des années 2000 avec comme singularité celle de joindre des éléments les plus raffinés du genre avec de la musique classique plutôt contemporaine.
Ainsi, l'album met en avant des textures qui n'ont rien à voir avec Marillion, mais il place comme les Anglais les émotions au centre de ce "Colours Not Found In Nature". L'élément au cœur de la musique repose essentiellement sur les multiples strates que forment les cordes frottées (violons, violoncelle...), frappées (piano...), les cuivres et les percussions qui font qu'Isildurs Bane s'inscrit tout naturellement dans la lignée de ses travaux antérieurs, alliées à la voix si reconnaissable de H qui apporte un niveau émotionnel supplémentaire.
Les titres vont à l'essentiel et malgré leur durée relativement courte pour du rock dit progressif, ils permettent des mouvements de grande classe, notamment sur 'Ice Pop' qui multiplie les ambiances de façon tout à fait limpide. Tout est alternance de chorus musicaux à forte densité ('Random Fires', 'Incandescant') et moments plus intimistes ('Peripheral Vision', 'Diamonds And Amnesia') dans lesquels la symbiose entre les lignes de violons et de chant atteint le but émotionnel recherché avec la montée en puissance des cordes. Un seul titre dépasse les dix minutes : 'The Love And The Affair', parlant des relations amoureuses qui se délitent et dont l'auditeur sera le témoin. Cette chanson très littéraire (le chant tient une très grande part) propose un thème propice à pousser l'aspect sensoriel à son paroxysme.
Steven Hogarth arrive à ne pas trop surjouer sur cet album - il lui est souvent reproché le contraire en accentuant inutilement ce qui n'est pas forcément nécessaire - et lui insuffle ainsi une dimension émotionnelle toute particulière dont la musique est intrinsèquement déjà porteuse. Voilà un disque qui a le mérite d'aller rechercher aux tréfonds de celui qui le reçoit des sensations enfouies, sans développements stériles et sans être contemplatif. "Colours Not Found In Nature" est un album qui se vit autant qu'il s'écoute.