Raisonnablement enthousiasmés par "Oweynagat", leur (petite) carte de visite, nous attendions avec impatience le premier album longue durée des Bataves. Publié comme son brouillon par Prophecy Productions et emballé par Pieter Kloos, véritable gourou de la scène dutch rock, celui-ci est baptisé "Here Now, There Then".
Si vous avez raté l'épisode précédent, vous devez forcément vous demander un peu ce que c'est, Dool. Si son nom, qui signifie en fait "exil", pourra évoquer chez certains fainéants le groupe de Maynard James Keenan, le quatuor ne noue pourtant aucun lien avec les Américains. Si influences il y a, elles sont davantage à rechercher dans le sombre terreau hollandais, celui de The Devil's Blood notamment dont on croise ici l'ancienne section rythmique. Bien que d'une tessiture différente, le chant de Ryanne Van Dorst n'est parfois pas si éloigné que cela de celui de sa compatriote Farida Lemouchi, cependant que certains motifs mélodiques n'auraient pas dépareillé sur un disque de la regrettée formation, comme en témoigne par exemple ce 'Golden Serpents' à la fois moelleux et accrocheur.
Ce serait toutefois se compromettre dans un raccourci maladroit que de réduire Dool à une simple resucée de son glorieux aîné en dépit d'incontestables racines communes. A l'instar de sa récente ébauche avec lequel il partage l'éponyme 'Oweynagat', dont on ne se lasse toujours pas, "Here Now, There Then" ne cesse d'intriguer tant il balance constamment entre morsures furieusement rock et rugosités déglinguées, ce qui rend son écoute parfois peu évidente.
La mélancolie tordue qui infuse dans les replis de ses compositions aux traits tortueux achève d'en faire une œuvre beaucoup moins immédiate qu'il n'y parait de prime abord. Il suffit de s'enfoncer dans les arcanes de 'Vantablack', le titre le plus long du lot avec ses dix minutes au compteur et mystérieuse porte d'entrée, pour prendre la (dé)mesure de ce dark rock souterrain où fusionnent soli orgasmiques et vocalises androgynes en un magma sombrement langoureux.
Si le reste affiche des lignes plus nerveuses, de 'Words On Paper' à 'She Goat', une rouille vicieuse, presque malsaine, ronge constamment un menu qui, insaisissable, finit par nous échapper, dimension volatile qu'illustrent des plaintes, léchée par une étrangeté obscure, telles que 'The Death Of Love', 'The Alpha' ou 'In Her Darkest Hour', autant de mid-tempos aussi lascifs que labyrinthiques qui ne filent jamais droit.
Si alléchant, "Oweinagat" avait un goût de trop peu, imposé par son format très court, "Here Now, There Then" confirme l'identité singulière des Hollandais et un potentiel qui l'est tout autant, opus à la fois nocturne et irradiant qui exsude une trouble sensualité.