Trois ans d’existence et déjà trois albums au compteur ! EchoTest peut se vanter de ne pas perdre de temps. La formation du groupe est des plus atypiques : collaboration de deux bassistes à l’origine, Julie Slick et Marco Machera, le groupe s’étoffe pour ce troisième album d’un batteur en la personne d’Alessandro Inolti. Une dizaine d’invités accompagnent ce trio insolite pour réaliser "From Two Balconies".
Qui dit basse pense immédiatement aux sonorités graves et profondes de cet instrument plus souvent dédié aux parties rythmiques qu’aux lignes mélodiques. Mais ce serait mal connaître nos deux compères qui, non contents de se faire plaisir en jouant les parties mélodiques quand ça leur chante, tirent de leur instrument des sonorités bien éloignées des résonances graves auxquelles nous sommes accoutumés, pouvant aller jusqu’aux lancinances aiguës qu’on jurerait issu d’un synthétiseur. Précisons que Julie Slick joue d’une basse 6 cordes, l’instrument pouvant s’apparenter à une guitare électrique à la voix grave, Marco Machera officiant sur une basse 5 cordes capable d’atteindre des aigus interdits à la traditionnelle 4 cordes.
Si le premier album ("Fourth Dementia" en 2014) était essentiellement constitué de boucles sonores et de plaintes lancinantes, tirant le disque vers une musique ambient expérimentale, le deuxième ("Le Fil Rouge" en 2015) s’enrichissait de l’apport d’autres instruments et introduisait parcimonieusement le chant, lui donnant un aspect moins hermétique. "From Two Balconies" amplifie encore cette tendance, s’éloignant des soundscapes des débuts pour compter à son répertoire plusieurs chansons au format conventionnel. Ou presque !
Car Julie Slick ne peut pas avoir été la bassiste de formations comme The Crimson ProjeKCT ou l’Adrian Belew Power Trio sans qu’il lui en reste quelque chose. Du coup, même les titres s’approchant le plus d’une chanson "traditionnelle" connaissent des dérapages étranges les faisant subitement basculer dans des sonorités discordantes et/ou agressives. L’album s’avère donc très éclectique, dans la lignée de l’ "Exposure" de Robert Fripp. Des passages faciles d’accès, mélodieux et chantants en côtoient d’autres beaucoup plus arides et expérimentaux, les déluges de décibels alternent avec des moments minimalistes, aux constructions techniques époustouflantes succèdent des accords enfantins. Les titres sont souvent schizophrènes en combinant ces divers éléments, n’aidant pas l’auditeur à se repérer facilement dans ce dédale sonore. EchoTest bascule ainsi sans crier gare du rock le plus convaincant (‘Supercell’) à des chansons incongrues frappées de folie gonguesque (‘Radio Sayonara’) en passant par des titres psychédéliques (‘The Mystical Connected Us’), robotiques (‘Sense of Urgency’), à l’étrange poésie minimaliste (‘Pity’ évoquant l’ombre de Robert Wyatt), atmosphériques (‘Reflect/Reflex’), sans oublier le côté grinçant du King Crimson période Belew (‘Confirmation Bias’).
Contrairement à ce que le line-up aurait pu laisser supposer, la production est loin des horribles drums & bass des années 80, même si basses et batterie sont bien les éléments centraux de cette musique. Mais loin de recouvrir les voix et autres instruments d’une insupportable vibration, ils les mettent au contraire intelligemment en valeur. Néanmoins, certains passages arides ou expérimentaux mettront les nerfs des plus fragiles à l’épreuve et le recours quasi systématique à des finals bruyants et souvent discordants manque un peu d’imagination.
Amateurs de King Crimson et de Gong, ou tout simplement de musiques audacieuses et non conventionnelles, vous devriez prendre un grand plaisir à l’écoute de cet album. Saluons le travail réalisé, tant dans la recherche des compositions que dans la dextérité de l’exécution, sans oublier une juste maîtrise des improvisations. Cependant, le caractère anguleux et expérimental de son contenu le réserve aux auditeurs avertis.