En 2012 Bjorn Strid et David Andersson, chanteur et guitariste de Soilwork, avaient ouvert une première brèche spatio-temporelle en sortant "Internal Affairs" sous le nom de Night Flight Orchestra. Ce qui n'était qu'un projet de virils death metalleux passionnés par le classic rock est devenu plus qu'une parenthèse quand est sorti le deuxième disque "Skyline Whispers" en 2015. Si à l'occasion de ces deux albums l’impact de la musique de Night Flight Orchestra a été plutôt modeste, il devrait en être autrement avec ce "Amber Galactic" édité par Nuclear Blast.
Night Flight Orchestra semble aborder ses albums avec une logique chronologique si l'on remarque que "Amber Galactic" s'inscrit dans la continuité de "Skyline Whispers" qui lui-même s’éloignait déjà du hard rock des années 60-70 de "Internal Affairs". La rupture du continuum espace-temps provoquée par "Amber Galactic" s’ouvre sur la charnière 70-80 avec des inspirations classic rock ('Midnight Flyer', 'Space Whisperer') plus funk ('Domino') et plus AOR (les ballades 'Something Mysterious' et 'Jennie'), lorgnant même sur le disco ('Gemini'). Les nostalgiques seront ravis de faire un bond dans le passé quand les Kiss, Boston, Thin Lizzy, Foreigner et Survivor définissaient le rock. L'influence la plus prégnante est sans doute celle de Toto, autant dans les riffs, les ponts ('Sad State Of Affairs') que les interventions de piano (‘Josephine’), la richesse des chœurs ('Star Of Rio', 'Sad State Of Affairs') que les soli qui laissent planer l'ombre de Lukather ('Josephine').
Night Flight Orchestra ne tombe jamais dans le piège du plagiat ou de la mauvaise caricature car Bjorn et David, qui occupaient leurs longs trajets nocturnes en avion (d'où le nom du groupe) pendant la tournée américaine de Soilwork à écouter des albums de cette période, chérissent cette musique. Ce n'est d'ailleurs pas la première tentative de Bjorn de laisser exprimer ses appétences pour le rock classique si on se souvient la démo qu'il avait réalisée sous le nom de Highball Shooters en 2008, malheureusement restée sans suite. Le plaisir qu'a eu Night Flight Orchestra d'enregistrer "Amber Galactic" s'entend à chaque seconde du disque dans la finition des compositions et l'investissement de chacun des musiciens. Ce troisième album est une collection de titres calibrés pour faire mouche dès la première écoute avec ses formats courts, diversifiés et facilement assimilables, ses qualités mélodiques imparables et ses refrains entêtants (dont les excellents 'Star Of Rio' et 'Domino').
Night Flight Orchestra reprend tous les codes de l'époque pour sonner plus retro que nature : claviers et bruitages kitch ('Gemini'), son de batterie douteux ('Star Of Rio'), harmonies vocales exubérantes ('Midnight Flyer') et production édulcorée ('Saturn In Velvet'). Loin de rebuter, on se prend rapidement au jeu d'un album sincère et authentique au point d’en devenir addictif. La démarche artistique est totalement assumée tout comme un certain hommage revendiqué pour la féminité à travers les titres des morceaux (encore une parenté avec Toto), les pochettes des trois albums et les ajouts de narrations féminines dans les compositions. Cette légèreté n’empêche pas la virilité de nos Suédois de s'exprimer notamment à travers les prestations solides de Bjorn, de plus en plus maître de sa voix qui montre une élasticité impressionnante à passer de l'aigu (‘Space Whisperer’) au grave avec puissance et précision ('Domino' et 'Star Of Rio').
Il ne faudra qu'un soupçon d'ouverture d'esprit pour aborder ce "Amber Galactic" car une fois gagné par sa fraîcheur et sa joviale énergie il est difficile de s'en détacher. "Amber Galactic" est un disque qui fait du bien.