Cela fait déjà cinq ans que les Hollandais de Semistereo ont fait paraître leur second album éponyme. Malgré des critiques plutôt laudatrices, le groupe a pris son temps avant de nous proposer aujourd’hui son troisième disque "Trans Earth Injection". Le line-up a quelque peu évolué. Il eut été étonnant qu’il en fût autrement, vu le long laps de temps écoulé. Ainsi, exit Aimar Aubel et ses claviers, non remplacés. Ron Broekhuizen, bassiste d’origine, cède sa place à Mickeal Schuurman et le groupe se dote d’un lead singer en la personne de Paul Glandorf.
Semistereo se positionne sur un créneau transgenres mélangeant la vitalité du rock alternatif, la complexité du rock progressif et les atmosphères envoûtantes du post rock. Si les titres bénéficient de mélodies solides et aisément identifiables, le groupe n’hésite pas à en changer en cours de morceau ou à s’en éloigner le temps d’une digression instrumentale. De même, les harmonies jouées à des tempos soutenus et un volume sonore puissant cèdent subitement la place à des climats apaisés et atmosphériques propres au post rock.
Néanmoins, l’ensemble est bien "vigouret" et, avouons-le, un tantinet bruyant. Certes la rythmique mise en avant et très bavarde commence par séduire : cette batterie qui virevolte et affectionne les contretemps, cette basse qui gronde sourdement introduisent une dynamique sympathique, mais, sur la durée, s’avèrent envahissantes. Ce qui serait supportable s’il n’y avait les guitares. Des murs de guitares saturées, démultipliées, oscillant entre forte et fortissimo tout du long, au-dessus desquelles le chanteur a bien du mal à se faire entendre, obligé de forcer un peu un timbre pourtant très agréable. Très rapidement, l’intensité et la densité auxquelles sont joués les morceaux s’avèrent usantes. De titres bien construits, aux mélodies agréables, on ne retient qu’une impression de confusion et de magma sonore et les brusques accalmies, souvent réussies d’ailleurs, ne suffisent pas pour permettre à l’auditeur de respirer.
Seuls ‘The Storm Behind your Eyes’ et surtout l’excellent ‘€35 Special’ échappent à l’impression un peu fouillis qui se dégage de l’ensemble. ‘€35 Special’ flirte avec l’expérimental et finit par installer une ambiance à la fois sombre et romantique de western, lorsque le héros se retrouve seul face à une horde de desperados, grâce à un crescendo de cuivres des plus réussis.
Au final, "Trans Earth Injection" n’est pas désagréable à écouter et contient plusieurs passages dignes d’attention, malheureusement noyés dans une débauche de décibels et de saturations inopportunes. Semistereo gagnerait certainement à explorer plus profondément son côté mélancolique et doux.