Cela fait douze ans déjà que Agnes Toth et Mihaly Szabo nous enchantent avec leurs rêveries ténébreuses et acoustiques, boisées et folkloriques. Combien ont-il eu raison de s'aventurer sur cette sente crépusculaire après le sabordage de Even Song dont le gothic metal quoique plaisant convenait moins à leurs talents conjugués de chanteuse et violoniste (pour elle), de guitariste et percussionniste (pour lui). Avec The Moon And The Nightspirit, ils ont su façonner leur identité qui doit autant à cette musique nocturne qu'à ces visuels poétiques teintés d'étrangeté, réalisés par la vocaliste elle-même.
Après un "Mohalepte" (2011) qui n'apportait pas grand-chose, "Holdrejtek" a su trois ans plus tard nous dévoiler un couple plus inspiré que jamais, désormais hébergé par Prophecy, label idéal pour accueillir ces offrandes si personnelles. Fixée depuis "Of Dreams Forgotten And Fables Untold", la signature du groupe demeure inchangée. Les fidèles ne seront donc ni déstabilisés ni déçus par ce nouvel - et sixième - opus qui continue de creuser ce sillon mélancolique à travers ces forêts peuplées de légendes.
S'il n'est bien entendu pas nécessaire d'en avoir parcouru les paysages verdoyants pour se laisser séduire par les ritournelles désenchantées de nos deux troubadours, le fait est que leur art demeure profondément enraciné dans la terre hongroise dont les amoureux de ce pays retrouveront cette atmosphère unique et finalement indescriptible qui tient autant à un humus obscur qu'à une imagerie mystérieuse, presque hors du temps. Tel est ainsi "Metanoia" qui nous convie à une déambulation médiévale parée d'enluminures orientales.
Le duo a certes vieilli, comme en témoignent les cheveux blancs qui colorent la crinière de Mihaly, mais il n'a rien perdu de son fascinant pouvoir d'évocation, capable d'entraîner loin le pèlerin, dans une époque reculée et fantasmée. Dès 'A Hajnal Köszöntése', la magie opère, distillée par ces notes de violon osseuses et cette voix féminine fragile qui semble vouloir se briser, plumes d'une musique écrite à l'encre noire du désespoir. L'ombre tissée par la flûte de la belle ('Kilenc Hid') ainsi que ses mélopées participent d'un rituel chamanique dont le pouls vibre d'une puissance sourde. S'il accompagne parfois au chant sa muse mais toujours de manière discrète ('Mysterion Mega'), Szabo enrichit cette partition d'une dimension percussive et hypnotique, à l'image des obsédants 'A Fény Diadala' et 'Az Elsö Tünder Megidézése'.
Drapé dans des arrangements extrêmement travaillés, "Metanoia" égrène huit compositions aux allures de pièces d'orfèvre en un ensemble sombrement enchanteur auquel il paraît bien difficile de résister, danse tribale qui brille d'un éclat lunaire.