Si Elephant Plaza est un nouveau venu sur la scène rock (ne dévoilons pas tout de suite à quelle obédience il appartient), l’homme à l’initiative de ce projet n’en est néanmoins pas un inconnu. Vous avez en effet pu croiser Gilbert Marshall au sein du groupe de prog norvégien Magic Pie, du moins jusqu’à son départ en 2012. Mais Elephant Plaza est bien antérieur à ce départ puisque les balbutiements du projet remontent à 2006. Après bien des vicissitudes dont vous pourrez prendre connaissance, si le cœur vous en dit, sur le site officiel du groupe, "Momentum" voit enfin le jour en août 2016, fruit d’une gestation de dix années.
Une si longue période pour produire un album est assez inhabituelle et peut soit être prise comme gage de qualité (dix ans pour peaufiner les titres), ou prouver tout du moins une certaine ténacité, soit faire craindre une dilution du propos, une hétérogénéité née des périodes éloignées auxquelles les différentes chansons auront été écrites et/ou enregistrées. Autre particularité, le line-up pléthorique de l’album, dans lequel on retrouve un certain nombre de musiciens ayant œuvré chez Magic Pie, est le fruit du va-et-vient inévitable sur une telle durée, certains membres ayant d’ores et déjà quitté le navire alors que d’autres ont embarqué fort tard.
Tout cela aurait pu aboutir à un beau fiasco. Et pourtant, presque miraculeusement, "Momentum" est un album solide qui navigue en permanence entre prog musclé et metal soft, flirtant même avec l’AOR comme c’est le cas sur le titre d’ouverture, ‘Naked’, puissant et mélodique en diable. Malgré les nombreux claviers crédités dans le line-up, ce sont les guitares qui se taillent la part du lion, que ce soit en solo, en riffs ou en arpèges. Basse et batterie sont parfaitement dosées, présentes mais jamais étouffantes. Mais la signature d’Elephant Plaza réside dans le nombre impressionnant de chanteurs intervenant sur ce disque : pas moins de neuf hommes et femmes, lead singer ou choristes, qui donnent à l’album un côté ample et une variété des plus agréables.
Musicalement, et sans que ces influences soient trop prégnantes, Elephant Plaza fait penser à Pain Of Salvation (plutôt période "Be") par cette alliance entre interprétation musclée (la voix de Gilbert Marshall a une vague ressemblance avec celle de Daniel Gildenlöw) et douceur mélancolique, entremêlées de manière indissociable (‘Paralized’, ‘The Human Race’), mais aussi à Pink Floyd sur les titres plus calmes, presque atmosphériques, comme ‘Southwest’ (les nappes de claviers, les chœurs érotiques, la guitare semblent tout droit sortis de "The Division Bell") ou ‘All The Way’ dont la guitare acoustique renvoie à ‘Wish You Were Here’ et ‘Pigs On The Wing’.
Tout l’album promène l’auditeur entre musique musclée et moments de douce quiétude, intenses crescendos et délicate mélancolie, distillant des mélodies ni trop simples, ni trop complexes et évitant presque les fautes de goût : ‘The Quest part 1’ déroule un metal trop stéréotypé et la longue suite ‘Momentum’ tourne un peu en rond autour de trois idées et ne ferme pas idéalement un album bien plus inspiré par ailleurs.
Sans ces deux réserves, "Momentum" aurait pu prétendre à intégrer le panthéon des albums à posséder absolument dans la discothèque de tout mélomane qui se respecte. Il n’en demeure pas moins un disque de grande qualité capable de satisfaire l’auditeur le plus exigeant dès la première écoute et après de nombreux passages.