Si l’album éponyme de Notilus est la première réalisation sous ce nom de ce groupe strasbourgeois, les plus affûtés de nos lecteurs se sont peut-être aperçus que le curieux line-up (nous y reviendrons) qui constitue cette formation est identique à celui de La Fanfare en Pétard, trublion musical déjà auteur de trois disques mélangeant joyeusement hip hop et fanfare dans des chansons aux textes engagés et fleuris.
Pourtant, ces musiciens pour le moins originaux réussissent l’exploit de faire avec "Notilus" quelque chose de complètement différent. Déjà, point de textes, l’album est entièrement instrumental si l’on omet les quelques rares samples de voix que l‘on peut entendre sur deux titres. Si les instruments à vent (sax, trompette, trombone) servent toujours de fondations à la musique, ils ont remplacé leur coloration pittoresque de fanfare par des atours plus sombres. Ni basse, ni guitare, les vents sont accompagnés d’une batterie très présente et de "machines électroniques", le chanteur de La Fanfare en Pétard s’étant reconverti en bricoleur de sons.
Cela donne des compositions souvent mélancoliques, parfois teintées de jazz, de tonalités electro ou d’ambiances ethniques. Les passages mélodiques portés par les instruments à vent sont souvent concurrencés par d’autres où la rythmique est clairement dominante, comme sur ‘Behind’ aux effets de rebond et de vibration, ‘Kuku’ sur lequel la batterie se la joue percussions africaines ou ‘Ned’ aux faux-airs de ‘Another One Bites The Dust’.
Sur certains titres, le mixage drums & bass se fait au détriment des vents relégués au rôle de fond sonore. Fort heureusement, ceux-ci brillent néanmoins sur de belles mélodies empreintes de nostalgie, comme sur ‘Pop Porn’ (le choix des titres n’est pas le point fort de Notilus, ou alors c’est du second degré) ou le très réussi ‘Valse à Plumes’, les deux rappelant Robert Wyatt, l’atmosphérique ‘Green Smile’ ou le cinématique ‘Alien’ à la musique orientale évoquant des dunes de sable chaud et un serpent ondulant en dehors de son panier. Citons enfin ‘Tangerine’ dont le titre n’a certainement pas été choisi au hasard tant il fait penser au croisement d’Art Zoyd avec… Tangerine Dream.
Malgré cette diversité apparente de styles, l’album garde une certaine cohérence, chaque titre mélangeant un peu tous ces ingrédients dans des proportions différentes. On en vient parfois à regretter qu’il n’y ait pas plus d’instants de folie, de prises de risque expérimentales ou tout simplement de vivacité pour donner un peu de couleur à cette grisaille. Néanmoins Notilus a le courage de sortir des sentiers battus en proposant une musique qui reste toutefois accessible et permet de passer un moment agréable.