Que reste-il à inventer, à ce jour, au niveau musical ? Tout ou presque a-t-il déjà été inventé, expérimenté ? La fusion ne serait-elle pas la voie dans laquelle les musiciens pourraient encore faire valoir leur créativité ? À ces questions qui pourraient faire d'objet de vastes débats, une bribe de solution peut se trouver dans l'écoute de l'EP de Wild Mighty Freak dont l'originalité est de mêler deux écoles, qui parfois souffrent d'une réputation incomprise ou sulfureuse souvent imméritée, que tout semble a priori opposer : le metal et le hip hop. Il faut dire que les précurseurs de cette fusion sont nés outre-Atlantique avec des groupes comme Limp Bizkit, Rage Again The Machine, Body Count, alors, dès qu'un groupe ose proposer en France un tel projet, ça attire l'oreille et la curiosité.
Celle-ci est attisée d'emblée avec 'The Last Time' qui pose les bases de ce mariage avec un riff de guitare conquérant qui s'imbrique dans une rythmique hip hop. Cette construction s'avère extrêmement efficace et fort bien troussée dans l'esprit d'un nu metal US. Le combo parisien réussit à trouver l'équilibre quasi parfait entre les deux styles avec notamment la façon de chanter de Crazy Joe, particulièrement son flow, l'intervention de voix transformées par le vocoder (un peu trop) parfois saturées et des soli typiquement metal. À cet égard, la manière d'aborder les choses par Wild Mighty Freaks se rapproche quelque peu des collaborations de Tech N9ne avec le monde du rock et du metal (Avenged Sevenfold, System Of A Down).
Prenant le contre-pied du précédent titre, 'Freaks' quant à lui dérive vers un style plus ragga et jamaïcain avec ses rythmes syncopés, dansants et chaloupés, la puissance du metal en filigrane agrémentée d'effets en fond sonore (rappelant le film de Tod Browning) et d'une partie vocale coutumière du genre en fin de composition. Avec 'Empty Skies', l'auditeur se rend compte que l'EP doit être pris comme une carte de visite de ce que peut proposer le groupe en revêtant les atours d'une power ballade rock où seul le chant rappelle les obédiences fusionnelles. Après ces deux titres où la fusion se fait moins fusionnelle, 'Jungle' revient à un mariage plus équilibré dont la puissance est augmentée par les chœurs joués aux claviers. 'Get Out My Way' clôture l'album de manière épique presque guerrière, l'ambiance collant parfaitement au titre qui apparaît dès lors comme le plus ambitieux, bien construit dans sa durée de plus de six minutes : couplet hip hop et refrain metal mélodique souligné par la saturation des voix secondaires et par un très beau solo que ne renierait pas John Petrucci.
Wild Mighty Freaks synthétise un large panel d'atmosphères, quitte à un peu perdre en cohérence et l'auditeur en route. Toutefois, les titres sont assez accessibles et réussissent à magnifier ce métissage des genres avec des mélodies efficaces et créant l'impact. Le hip hop comme le metal ont cette sorte de rage qui constituent un moyen d'expression musicale souvent comme un exutoire, à même de faire passer de nombreuses émotions à l'écoute de ces six titres. En les fusionnant, avec une production classieuse, un mixage excellent et une image très travaillée et cultivée, parfois un peu caricaturale (collant à Limp Bizkit), Wild Mighty Freaks s'inscrit dans une veine bien trop rare et tellement bénéfique qu'il convient d'encourager ces initiatives et de leur donner une vitrine, pour faire voler en éclats les clichés bien trop nombreux qui collent à la peau de ces musiques qui n'en demandent pas tant. En espérant qu'un album entier puisse un jour se concrétiser.