Avez-vous déjà essayé de voir ce que donnerait la requête "groupes de rock autrichiens" sur Wikipedia ? Non ? Le maigre résultat qui s’affiche à l’écran reprend des formations aux noms aussi pittoresques que Alpentrio Tirol, Lettenberger*Klug et autres Edelweiss. Mais point de Mother’s Cake, le nom faisant peut-être trop britannique. Pourtant, le groupe, fondé en 2008, nous vient bien d’Autriche et sort avec "No Rhyme No Reason" son troisième album.
Bien que formé sur un modèle on ne peut plus classique (un chanteur-guitariste, un bassiste, un batteur) invitant à penser que le combo va nous servir un rock simple et vitaminé, Mother’s Cake ne se laisse pas si facilement catégoriser et emprunte régulièrement des chemins de traverse parfois fort inattendus. Tout commence pourtant le plus simplement du monde avec le "presque" titre éponyme, court morceau qui déménage sans se poser de question avec une guitare acide, une basse grondante, une batterie survoltée et un chant légèrement saturé. Et quand ‘H8’ enchaîne avec la même énergie, on se dit que l’affaire est pliée.
Sauf qu’au bout de deux minutes (et vingt secondes, pour être précis), la musique jusque-là rageuse s’assagit subitement pour finir dans un atmosphérique expérimental à grands coups d’effets Larsen, de soubresauts de basse et de bruits de bulles. En un seul morceau, Mother’s Cake plante le décor dans lequel il ne cessera d’évoluer : un rock empli de violence et de fureur avec basse et batterie aux avant-postes mais qui varie fréquemment en tempos et nuances, basculant brutalement dans l’atmosphérique (‘Enemy’), flirtant avec le psychédélisme (‘Big Girls’), faisant un bout de route avec le stoner et le blues (‘Black Roses’) et ne dédaignant pas les expérimentations (‘Streetja Man’).
Un louable souci de diversité qui, s’il maintient l’attention de l’auditeur en éveil, n’évite pas certains écueils. Les passages expérimentaux riches en stridences et boucles sonores useront les nerfs des plus fragiles et le son un peu sale, très rock garage, qui accompagne la plupart des titres finit par être un peu fatigant. Néanmoins, si l’album souffre de quelques longueurs, il contient son lot de très bons titres qui inquiètent ou au contraire donnent envie de danser. Citons l’excellent et lugubre ‘Black Roses’, l’énergique ‘The Sun’, aussi essoufflant qu’enthousiasmant, ‘Enemy’, le titre le plus "propre" de l’album avec des chœurs presque pop, ou encore ‘The Killer’, véritable tube en puissance.
Le chant aigu d’Yves Krismer, à la fois hargneux et plaintif, et ce hard rock mâtiné de blues, de psychédélique et d’alternatif font planer l’ombre du grand Zeppelin sur Mother’s Cake. On pourrait trouver pire comme référence ! Malgré quelques défauts qui pourront sans doute être facilement corrigés à l’avenir, "No Rhyme No Reason" distille un rock inventif et explosif, comme le suggère sa pochette, qui s’écoute avec un réel plaisir.