Si Back Roads est si bon, ce n'est pas uniquement parce qu'il vient de Lyon ni parce qu'il est propulsé par l'organe de feu d'une chanteuse, Sylvaine, digne des plus grandes tigresses, mais surtout parce qu'il a (re)trouvé la formule magique d'un hard rock à la fois bluesy et râpeux dont les racines seventies lui confèrent une patine chaudement authentique sans faire de lui un groupe vintage ou garage de plus. Son art possède tout simplement ce qu'on appelle une âme, loin de ces banales photocopies du passé aussi jouissives soient-elles.
Remarqué par un galop d'essai éponyme et auto-produit déjà prometteur, le quintet déboule trois ans plus tard avec une seconde galette qui fait mieux que confirmer les (très) bonnes impressions laissées par son aîné. Qu'il soit baptisé du seul chiffre "II" témoigne d'un dépouillement qui en dit plus long que bien des discours quant à sa vision du Rock avec un grand R, noble et décrassé de tous kystes extérieurs. Sans parler du fait que cela contribue à le rattacher à une longue série de glorieuses formations des années 70 (ou pas) qui faisaient de même, à commencer par Led Zeppelin, probablement l'influence la plus évidente du combo avec Deep Purple (nous y reviendrons).
Bref, Back Roads va à l'essentiel, ne s'embarrasse d'aucune prétention si ce n'est celle de se faire plaisir, fidèle au son qu'ils ont dans les tripes, ne conservant que la substantifique moelle d'une musique brute de décoffrage. Ce qui ne signifie ni qu'elle soit sans gras ni qu'elle soit rudimentaire. Au contraire, ces compositions révèlent un travail d'écriture et d'arrangements souterrain mais redoutable, qu'enrobe une peau dure et tannée.
Cette deuxième cuvée étale les solides attributs que le groupe possède dans son corset. Des guitares nerveuses nourries aux maîtres Jimmy Page et Ritchie Blackmore, une assise rythmique mazoutée et bien sûr le timbre granuleux et un peu sale de cette chanteuse qui transpire un feeling velu trouvent ici l'espace nécessaire pour cracher leur sauce graisseuse. Les deux manches, entre les mains de Christophe Oliveres et Fabrice Dutour, qui se frottent et s'affrontent, viennent enrichir en harmonies heavy metal, à l'image de 'Dancing With The Devil', une palette furieusement jubilatoire, qui s'est étoffée avec puissance depuis trois ans.
Un tempo de bûcheron énervé se conjugue à de juteuses attaques de six-cordes dont le mordant rappelle le jeu de l'Homme en noir, témoin ce 'Frenetic Traffic' qui abat d'emblée le petit bois comme à la grande époque de Purple justement. Zeppelinien en diable ('Put You On Hold' ou le lourd et bluesy 'Duel To The Death'), ce qui suit alterne saillies galopantes ('Into The Swamp') et coups de boutoir rugueux ('Trouble Hotel'), même si on devine que le groupe préfère avoir les pieds prisonniers d'une croûte plombée, comme l'illustrent 'Free Fall' ou le terminal 'Ship Of Fools', où l'influence du Dirigeable se révèle peut-être la plus prégnante.
Avec cet opus trapu et remuant, Back Roads s'affirme comme un redoutable groupe de (hard) rock qui a des tripes et une âme.