La présence à bord, d'une jeune femme, à la beauté craquante de surcroît, n'est pas toujours l'assurance d'une douceur bienveillante. Preuve en est de Colstblood dont le manche de la guitare est certes frotté par la main experte de la belle Jem mais qui demeure pourtant un des spéléologues les plus terrifiants que le doom nous ait offert depuis longtemps, forant les abîmes de la terre jusqu'au noyau, plongeant ses membres tentaculaires jusqu'à l'os, creusant l'obscurité jusque dans les profondeurs de l'indicible, sans aucun espoir de retour.
A l'instar de son compatriote Grey Widow, quand bien même leur expression d'une lourdeur pétrifiée diffère l'une de l'autre, il repousse les limites de l'(in)audible le plus agressif, le plus ferrugineux. Après s'être accouplé avec d'autres forgerons tout aussi apocalyptiques que lui, tout d'abord avec Crypt Luker puis avec Horse Latitudes et Ommadon, le temps de deux splits monstrueux encadrant l'inaugural "Into The Unfathomable Abyss" (2014), le trio de Liverpool est enfin de retour avec un second méfait (très) longue durée, attendu par les plus masochistes d'entre nous comme un Graal aussi vénéneux que ténébreux.
Car d'une certaine façon, le groupe noue en définitive plus de liens avec l'art noir qu'avec les héritiers de Black Sabbath. Son logo menaçant et charbonneux, les ambiances cryptiques dont il ouvre les vannes avec une largesse gangreneuse ou les vocalises aussi écorchées que bestiales du bassiste John McNulty, ex Black Magician et Conan, définissent ainsi une musique sombre et cauchemardesque dont prétendre qu'elle est abyssale tient du doux euphémisme !
Peu attirant, son artwork signé Eric C. Harrison a au moins le mérite d'être révélateur du contenu de ce "Ascending Into Shimmering Darkness" qui gravite constamment au bord de la rupture, bathyscaphe s'enfonçant avec une funeste inexorabilité dans les ténèbres des Fosses Marianne. Gisant morbide englué dans une noirceur mortifère, le groupe creuse les parois d'un gouffre sans fin avec une lenteur aussi viciée qu'oppressante. Guitare au goût de rouille accordée plus bas que terre et percussions tellement engourdies que le batteur a le temps d'aller pisser entre deux coups de caisse claire dictent une partition rocailleuse qu'aucune trace de lumière et encore moins de vie ne pénètre jamais.
Démarrant avec un lancinement douloureux par le titre éponyme que déchirent de brusques éruptions de lave rugueuse, l'opus n'est qu'une vertigineuse descente qui atteint le point de non retour avec le bien nommé 'The Final Winter' qui voit le sludge goudronneux des Anglais se conjuguer au doom le plus funéraire en une conclusion définitive longue de plus de treize minutes hallucinées et pourtant belles à pleurer car le matériau qu'ils sculptent avec une puissance tellurique se pare alors d'un éclat brumeux et hanté. Plus abyssal que jamais, le chant fusionne avec une rythmique dont chaque coup de boutoir résonne comme un ultime battement de cœur.
Coltsblood ouvre une porte qui le mène vers une autre dimension, plus funèbre et gigantesque encore, presque cyclopéenne dans son expression orgasmique d'un art hermétique d'une profondeur insondable....