Est-il encore besoin de présenter Cosmograf, le projet de Robin Armstrong, qui sort, à peine un peu plus d'un an après son dernier album, sa nouvel livraison "The Hay-man Dreams" ? Avec un rythme aussi effréné d'un album quasi tous les ans, le doute peut saisir l'auteur de ses lignes : le temps pour réaliser un album est-il proportionnel au résultat qualitatif de celui-ci ? Le stakhanovisme dont fait preuve notre Anglais témoigne de son esprit créatif qui habite les musiciens à l'image de Steven Wilson ou Neal Morse... avec le risque de se répéter ou de lasser, et la difficulté de se renouveler.
Après avoir évoqué divers sujets tels que l'esprit face à la machine, la solitude dans l'espace, l'absurde selon Camus, Cosmograf nous invite à suivre les rêves d'un... épouvantail. La solitude, pas toujours si éloignée du concept, est propice à autant de divagations musicales rêveuses et à l'introspection de cet homme effrayant fait de paille, seul au milieu de son champ de blé.
Émancipation est le mot qui vient à l'esprit après une première écoute. Les précédents albums de Robin, d'une grande qualité, souffraient d'être un peu trop marqués du sceau des influences de Cosmograf (Porcupine Tree, Pink Floyd, The Who). Ici, elles sonnent à l'oreille mieux assimilées et intégrées, voire transcendées. Elles sont bien naturellement toujours présentes comme dans "Hay-Man", troublant de beauté avec son rappel à "Dark Side Of The Moon" par le biais de ce chant féminin et ses samples au cours de sa première moitié, auxquels succèdent les guitares incisives qui avaient les faveurs du désormais endormi arbre à porc-épic. Les solos sont ainsi légion, de toute beauté et s'étendent pour le plus grand plaisir des amateurs, démontrant le toucher délicat et sensible de Robin.
Puisant dans ce qu'il sait faire de mieux et fort de son expérience, notre Anglais délivre ici son meilleur album à ce jour et prône les valeurs du rock progressif, notamment celle de transmettre des émotions sans pour autant être forcément trop intellectuel ou élitiste. La construction de 'Motorway' en est un parfait exemple : un petit chef-d’œuvre démarrant par des arpèges de guitare sèche sur lesquels des nappes de synthétiseur plutôt lentes viennent se greffer. Le titre prend le temps de se développer (huit minutes) et monter en puissance avec une belle cohérence pour laisser place dans sa dernière partie à la guitare électrique, magnifique. La simplicité du compositeur alliée à son exigence sans concession de produire des titres de qualité est déconcertante d'efficacité ('Trouble In The Forest'). 'Cut The Corn' se souvient avec délectation du Camel de "Harbour Of Tears" ou de "Dust And Dreams" avec sa guitare et son chant à la Latimer (et un peu Hackett pour la partie à la guitare sèche).
Concis, direct, émotionnel, personnel, voilà que les doutes émis en introduction s'envolent à l'écoute de cette nouvelle fournée qui n'invite qu'à une chose : appuyer sur le bouton replay. Et incite à renvoyer cette question à celui qui a noirci cette page : faut-il laisser passer du temps pour qualifier un album de petit chef-d’œuvre ?