Serenius est une formation comptant en son sein Cyril Gromoff qui a officié au poste d'abuseur de fûts au sein du désormais Beyond The Pain. Serenius a donc un pied dans une tombe humide car il pratique un death aux couleurs sombres qui mêle allègrement pincées de mélodies savamment disséminées et violence pure et cristalline.
Après deux bons albums, "Coming from Serenius" et "Equilibrium", la formation a appuyé sur les freins, contre-braqué et modifié sa trajectoire. Comme transfigurée, elle nous livre un nouvel opus, "Cocoon", au professionnalisme constant, aux couleurs harmonisées, au propos serré, à la musique violente mais bizarrement comme destinée au plus grand nombre, à la majorité la plus silencieuse... Une sorte de parenté avec Arch Enemy : plus thrash que vraiment death, plus lumineux que caverneux, au contenu plus philosophique et métaphorique que horrifique, sombre, visqueux ou macabre. Cette musique englobe ainsi une masse de références qui vont au-delà du simple death.
Mais rassurez-vous, la musique n'est pas molle de la fesse, les musiciens pas vraiment mous du genou ! Ainsi les sens sont malmenés par la batterie marteau-pilon, par les riffs épais aux mélodies omniprésentes, par le chant égorgé qui trouble les âmes sensibles, qui éructe une bile verdâtre et par la basse qui ponctue cette ode satanique de silences, de groove et de sensualité.
Sensualité certes, mais colère et hargne surtout, comme le démontre assez rapidement 'World' qui seulement après quelques secondes enfonce le clou : riff poisseux, rythme pesant et lourd, très cathédralesque, voix abyssale et glauque ou glaciale quand elle se hisse dans les hauteurs arides.
Puis 'Identity' prend un virage à cent quatre-vingts degrés : composition sur laquelle la vitesse élevée s'impose comme si la vie en dépendait. Le rythme est parfois sautillant, parfois écartelant, alors que le riff emprunte des chemins plus mélodiques. On comprend ici pourquoi ce titre très mélodique a été choisi pour propulser le groupe dans le monde de l'image et du flux continu d'informations des réseaux sociaux. Enfin, l'intervention de la six-cordes solitaire nous balance une bonne dose de phrases chantantes.
'Animal' poursuit dans cette veine dans laquelle la formation joue avec les tempos : par ici un ralentissement pour imprimer plus d'angoisse, par là un blast beat pour écarteler les chairs et répandre le sang. 'The Shell' et 'Business of Fear' jouent avec les contrastes, débutant par des arpèges angéliques, des chœurs sombres et grandiloquents, installant ainsi un climat contemplatif doucereux, puis déversant dans nos esgourdes du plomb en fusion, de la crasse sonore au fort pouvoir d'attraction.
"Cocoon" est une belle surprise, un opus que l'on n'attendait pas nécessairement. Sur cette galette, Serenius délivre une musique épaisse et poisseuse dont les ramifications multiples plongent dans le terreau du death, du thrash, du melo-death voire du doom. Ces multiples facettes musicales construisent des variations plurielles, des sensations éclatantes et irisées que le groupe saupoudre alors au gré des nécessités émotionnelles.
Serenius démontre avec cette musique à la froideur maîtrisée que l'on peut étendre le spectre stylistique au-delà d'une simple violence gratuite, car "Cocoon" porte en lui une vraie interrogation existentielle, un vrai concept qui nous donne l'envie de voir par-delà les étiquettes et les barrières.