Pour son treizième album, “Victim of Love”, Elton John est allé au bout de la démarche qu’il a initiée avec "Rock of the Westies". Après s’être progressivement séparé de ses musiciens, de son producteur et de son parolier fétiche, il se passe des services… de lui-même ! "Victim of Love" est le premier album d’Elton John sans Elton John.
Bon, j’exagère un peu ! Il faut dire qu’Elton John fait vraiment le minimum syndical. Certes, il chante (quand même) mais ne joue d’aucun instrument, laissant son piano au vestiaire. Plus étrange encore, aucun titre n’est de lui. Tous sauf le titre d’ouverture, une reprise de Chuck Berry, ont été composés par Pete Bellotte, auteur-compositeur disco travaillant déjà pour Donna Summer, qui se charge en outre de la production de l’album. Et le résultat est catastrophique.
Preuve du manque d’inspiration présidant à cet album, celui-ci s’ouvre sur une reprise, celle de ‘Johnny B. Goode’. Inutilement étiré, le titre est mis à la sauce disco avec un chant frisant le ridicule à répéter mécaniquement "go, go, Johnny, go". Pire, les instruments s’effacent derrière une basse et une batterie mixées très en avant martyrisant impitoyablement chaque temps de manière métronomique.
Malheureusement, cette prise de son drums & bass, aberration anti-musicale très prisée fin des années 70/début des années 80, est utilisée sans modération sur tout le disque. Les six chansons insipides qui suivent, aux mélodies banales, sont ainsi noyées sous la rythmique abrutissante et sans aucune variation de tempo, à tel point qu’il est bien difficile de savoir quand se termine un titre et quand en commence un autre. Pour ne rien arranger, Elton John est l’ombre de lui-même, chantant sans âme ces titres de cinquième zone.
Malgré sa brièveté, aller au bout de ce disque nécessite de faire preuve d’une rare abnégation. "Victim of Love" est un titre prémonitoire : il convient parfaitement aux fans victimes de l’amour qu’ils portent à Elton John et qui les a poussés à écouter cet album. Si vous avez eu la chance jusqu’à ce jour de ne jamais entendre ce disque, ne commettez surtout pas l’erreur de vouloir compenser cette lacune !