Quel meilleur moyen pour quatre instrumentistes d'assouvir leur envie de virtuosité et de complexité que de se réunir au sein d'un groupe de metal progressif instrumental ? Le genre musical s'y prête parfaitement bien comme certaines expériences mémorables l'ont prouvé par le passé, au premier rang desquelles les incontournables Liquid Tension Experiment et Planet X. Bien des vocations se sont décidées dans la continuité de ces pionniers dont Force Of Progress, un projet annexe de quatre musiciens Allemands déjà engagés dans divers groupes de la scène metal progressive, qui sort son premier album "Calculated Risk".
"Calculated Risk" est un disque plutôt bien garni avec une distribution de durées équilibrée et un spectre musical varié allant du metal progressif au jazz-rock. A l'instar de The Aristocrats, l'esprit de collégialité règne au sein de Force Of Progress car tous les membres participent activement à la composition en amenant chacun deux ou trois morceaux. Les quatre Allemands sont tous multi-instrumentistes, avec le clavier comme dénominateur commun, ce qui explique la primauté des synthétiseurs, pianos et orgues dans leur écriture sur le reste des instruments. Si les amoureux du manche pourront regretter que leur instrument se cantonne trop souvent au rôle de tisserand de fond mélodique ou de pourvoyeur de riffs et d'accords, cette spécificité permet à Force Of Progress de se démarquer des autres groupes du genre.
Dans "Calculated Risk" les compositions les mieux construites sont aussi celles dont les développements sont les plus répétitifs et qui ne s'aventurent que rarement au-delà des balisages rock et metal progressif. On retiendra un louable engagement dès l'entrée en matière du disque avec un dynamique 'Ticket' qui peine à tenir en haleine jusqu'au bout, le puissant 'Sole Survivor' et le menaçant 'Shapeshifter' débouchant sur un 'The Cube' orné d'arrangements de cordes que n'auraient pas reniés les Français de Regency. A mettre du côté des réussites, le jazz-rock 'Calculated Risk' et le mid-tempo 'Lost In Time, Like Tears In Rain' tout en ambiances et nuances sont probablement les deux morceaux les mieux structurés de l'album.
La deuxième partie du disque est celle qui contient les idées mélodiques les plus élaborées et qui prend le plus de risque. Mais en contrepartie, les défauts de cohérence et de fluidité dans les enchaînements et les assemblages en font des morceaux difficiles à écouter. La meilleure illustration de cette dichotomie réside dans l'ambitieux 'The Man Who Played God' qui regorge de bonnes idées à exploiter et montre tout le potentiel progressif des Allemands mais souffre d'une construction brouillonne. C'est dans cette moitié de disque que la tonalité jazz-rock est la plus exploitée avec un 'Lift Me Up, Down By The Seaside' au thème accrocheur qui perd un peu de son intérêt quand le titre vire à la jam zappaienne et un 'Always' qui plaira aux amateurs de Planet X.
Dès son premier album Force Of Progress se place dans la catégorie des espoirs à suivre de près. Les quelques imperfections relevées n’empêchent nullement de profiter d’un bon album de rock/metal progressif varié qui comblera l’appétit des amateurs du genre.