Après la faute de goût que constituait le désastreux "Victim of Love", Elton John ne pouvait guère descendre plus bas. Aussi est-il permis d’espérer que son nouvel album, "21 at 33", relève le niveau de nullité que son prédécesseur avait atteint. Il est vrai qu’à vaincre sans péril…
Si le titre de l’album peut paraître énigmatique, il a pourtant une signification fort simple. 21 est le nombre de disques qu’Elton John a sorti, incluant outre les classiques enregistrements en studio des live, des compilations et une BO de film. Quant au 33, il se réfère à l’âge de l’artiste. Un coup d’œil prudent sur la pochette nous apprend que Pete Bellotte, principal artisan de "Victim of Love", est retourné à ses artistes disco. Après un premier soupir de soulagement à cette excellente nouvelle, on se prend même à espérer en s’apercevant du retour, partiel, de Bernie Taupin à l’écriture. Après une séparation salutaire, les deux hommes vont reprendre une collaboration qui ne cessera plus, même si Elton John se partagera entre plusieurs paroliers.
C’est donc avec une certaine fébrilité que l’on pose le saphir de la tête de lecture sur la première face du vinyle (ça marche aussi en appuyant sur la touche Play de votre lecteur CD mais c’est moins beau) pour rapidement constater que, s’il y a un léger mieux, on est loin du niveau d’un "Goodbye Yellow Brick Road" ou même d’un "Blue Moves". Si l’on reconnaît la patte d’Elton John, entre rocks mid-tempo et ballades mélancoliques, ce n’est pas l’inspiration des grands soirs mais plutôt la répétition laborieuse de recettes éprouvées.
Elton John délaisse le rock pur et dur pour se tourner régulièrement vers une pop américaine ruisselante d’orchestrations cuivrées et de chœurs un peu trop sucrés (‘Chasing the Crown’, ‘Sartorial Eloquence’, ‘Two Rooms at the End of the World’). Certes aucun titre n’est vraiment désagréable, mais il n’y a plus cette étincelle des premiers temps qui emportait régulièrement l’adhésion du public et le soulevait d’enthousiasme. Comme sur "A Single Man", Elton John donne parfois l’impression d’essayer de conjurer cette panne d’inspiration en délayant inutilement la sauce (‘Two Rooms at the End of the World’ où tout est dit en dix secondes et se répète ad nauseam durant 5 minutes très, très longues, ‘Give Me the Love’).
Par ailleurs, le chanteur anglais n’a plus le feu sacré et n’arrive plus à nous faire frissonner en mettant un peu de passion ou de déchirure dans sa voix. Chantant assez platement, il semble incapable de s’investir dans ses chansons comme il le faisait précédemment. Trois titres arrivent néanmoins à tirer leur épingle du jeu : ‘Little Jeannie’, gentille ballade douce-amère à classer aux côtés de ‘Island Girl’ et ‘Return to Paradise’, ‘White Lady White Powder’, un rock plus dynamique et crédible comme Elton John pouvait en produire pendant la première moitié des 70’s et sur lequel on retrouve la paire Olsson/Murray à la rythmique et deux membres des Eagles aux chœurs, et ‘Take Me Back’, sympathique morceau de country music.
Tout le reste est malheureusement anecdotique. Bref, des compositions médiocres, un artiste pas investi et des orchestrations sirupeuses font de "21 at 33" un album très quelconque, le frère jumeau de “A Single Man” en encore moins réussi. Dispensable.