Depuis 1976 et “Blue Moves” (et encore, celui-ci n’ayant pas toujours fait l’objet de critiques aussi élogieuses que celle de Music Waves), Elton John n’est plus que l’ombre de ce qu’il a été dans la première moitié des années 70. Les médiocres "A Single Man" et "21 at 33" encadrant l’indigne "Victim of Love" ne viendront pas démentir cette impression. Elton John fait de méritoires efforts pour "vivre avec son temps" et suivre l’évolution musicale qui s’est dessinée à l’aube des années 80 mais force est de constater qu’il semblait plus inspiré par le style des années 70 que par celui plus clinquant et tape-à-l’œil de la décennie suivante. Néanmoins, avec une ténacité forçant le respect et une régularité métronomique, il continue à honorer chaque année d’une nouvelle livraison.
Quinzième album studio, "The Fox" réussira-t-il à relever quelque peu le niveau bien bas de ses prédécesseurs ? L’histoire nous raconte que l’album se vendra mal, résultat logique du déclin de popularité que connaît l’artiste, qui ne remplit plus ses salles de concert, plus que reflet de la qualité intrinsèque de l’opus. Alors, qu’en est-il réellement ?
En s’assurant les services de Chris Thomas à la production, Elton John met enfin un terme aux orchestrations sirupeuses et à l’enrobage de choeurs sucrés à en grincer des dents des trois albums précédents. L’album sonne plus rock, bien moins variété, et inaugure le retour d’un semblant de groupe aux côtés du chanteur. Dee Murray et Nigel Olsson sont de retour à la rythmique et Richie Zito tient à la guitare le rôle que Davey Johnstone a longtemps joué. James Newton-Howard complète la formation aux claviers permettant à Elton John de se consacrer essentiellement à ses pianos.
Cela nous donne une première face dynamique enchaînant les rocks mid-tempo, parfois à la limite du hard rock (‘Heart in the Right Place’), où la rythmique bien présente sait faire de la place aux nombreuses saillies des guitares et des claviers. Certes, quelques petites récidives disco pointent de temps à autre leur nez (les chœurs de ‘Breaking Down Barriers’, le rythme et les synthés de ‘Nobody Wins’) mais avec suffisamment de discrétion pour ne pas gâcher l’ambiance.
Celle-ci change radicalement sur la deuxième face, le contraste s’expliquant grandement du fait que la plupart des titres de celle-ci ont été enregistrés lors des sessions d’enregistrement de "21 at 33". Le groupe est remplacé par un orchestre et le rock par des ballades aux atours classiques. Les trois premiers titres (‘Carla/Etude’, ‘Fanfare’, ‘Chloe’), enchaînés l’un à l’autre, s’apparentent à des morceaux comme ‘Madman Across the Water’ et ‘Tonight’, adoptant la même structure (une longue introduction orchestrale précédant une chanson plutôt mélancolique) pour un résultat un peu moins convaincant mais très honorable. ‘Elton’s Song’ est une ballade piano/voix à peine soulignée par le synthé. Seuls ‘Heels of the Wind’, un boogie assez quelconque, et ‘The Fox’ viennent donner un peu de punch dans cette seconde partie fort calme.
Il est certain que ce déséquilibre donne à "The Fox" un caractère bancal qui nuit à la cohérence de l’album. Par ailleurs, si aucun titre ne fait fonction de remplissage, contrairement aux albums précédents, aucun ne peut prétendre non plus au rôle de tube. Néanmoins, sans faire partie des incontournables, "The Fox" est un album solide et agréable à écouter.