S’il y a bien un groupe né sous une bonne étoile, c’est Next To None. Avoir Mike Portnoy comme père, quand on est batteur d’un groupe de metal progressif, ouvre les bonnes portes (des bons labels et des meilleurs studios entre autres) et rend les choses plus aisées. Après un "A Light In The Dark" encourageant sorti en 2015 le groupe emmené par Max Portnoy s’est remis au travail. La seule nouveauté concerne le guitariste Derrick Schneider, successeur de Ryland Holland parti reprendre ses études à la Berklee College Of Music, dont le nom a été conseillé par Ron Thal - rien que ça.
Next To None reprend les mêmes recettes utilisées dans "A Light In The Dark" en poussant tous les curseurs à leur maximum. Déjà dans la quantité de musique avec un pavé de 1h20 à ingurgiter garni de trois titres aux alentours des dix minutes et un dessert bien indigeste de près de vingt minutes. Ensuite dans la composition qui souffre d'une absence de direction lisible et d'une structuration exagérément compliquée faite de reprises thématiques ('The Wanderer'), de cassures en tout genre et du fameux concept rebattu (le chagrin) qui lie certains titres entre eux. Enfin dans l’exubérance technique omniprésente dans tout le disque qui étouffe la moindre subtilité mélodique et les tentatives de varier les contenus dans un tourbillon clinique et confus. Le jeune prodige a beau s'émouvoir dans 'Apple' qu'on le ramène toujours à son paternel, son penchant à vouloir trop en mettre, surtout là où il n'y en a pas besoin, et l'esprit général de l'écriture du groupe obligent immanquablement à faire l'association.
Next To None tente de masquer la parenté patente du Dream Theater post-"Train Of Thought" en mélangeant les types de chants et en y ajoutant toute sorte d’artifices sensés apporter une touche "moderne". Ceux-ci parsèment "Phases" de séquences electro ('Answer Me'), de bruitages tirés du hip-hop (le scratch de 'The Apple' et 'Kek') ou d’effets d’ultra compression ('The Apple') pas toujours du meilleur goût. Une importante partie du disque, caractérisée par un manque de finition dans les mélodies et les refrains notamment, reste peu originale et intéressante en soi. Mais "Phases" gagne en intérêt quand les compositions s’émancipent de cet atavisme trop prégnant et s’abreuvent à d’autres sources. C’est audible dans l’idée audacieuse de death-music-hall de la courte et intense 'Beg' ou dans la seconde moitié de "Phases". C’est là que résident 'Clarity', titre plutôt bien équilibré entre Periphery et In Flames, 'Mr. Mime' qui propose le meilleur refrain du disque dans un genre mélangeant la puissance de Soilwork et la folie d’Avatar et 'Denial' dans un style plus alternatif à la Coheed And Cambria qui démontre que Next To None sait faire évoluer ses constructions alambiquées sans perdre d’auditeur.
Dans la continuité du premier album, "Phases" apparaît encore comme un pastiche de Dream Theater trop rarement pourvoyeur d'émotions, tentant de moderniser cet héritage avec débauche de chants extrêmes et quelques arrangements sonores épars et bariolés. A la différence de leur modèle qui à ses débuts a sorti deux disques références très différents ("Images And Words" et "Awake"), Next To None semble s’enfoncer dans une voie trop hermétique et compenser le défaut de cap clair par un excès de technique stérile. De par la jeunesse du groupe et son potentiel, le bénéfice du doute peut encore lui conférer un statut d'espoir du genre en devenir. Ne manque plus à leur musique qu’un surplus de simplicité, et l'essentiel : un supplément d’âme.