Voilà maintenant plus de 10 ans que les Norvégiens de Leprous officient dans le paysage metal avec une ascension fulgurante. Le flamboyant metal prog inventif et avant-gardiste des débuts a laissé la place à un rock plus convenu leur ouvrant les portes d'un succès après d'un public plus large. Leurs sorties tous les deux ans sont toujours scrutées avec attention par la rédaction de Music Waves et ce sixième méfait des Vikings, "Malina", faisant suite à deux relatives déceptions, a encore de quoi aiguiser notre curiosité.
L'intro jazzy de 'Bonneville' fait rapidement place à la voix éthérée de l'omniscient Einar Solberg dont l'influence vampirise les créations du groupe depuis trois albums maintenant. La mélodie est douce et les musiciens retiennent leurs notes, imprimant une douceur qui ne se transforme en noirceur qu'à l'occasion d'un riff central pas très élaboré (une note !) mais qui élève la seconde partie du titre. 'Stuck', un peu plus rentre-dedans, est construit sur les mêmes bases mélodiques mais rythmiquement plus enlevé. Avec une efficacité encore plus évidente, 'From The Flame' a tout du single à tel point que l'excellent refrain introduit le morceau comme pour souligner son caractère hymnique (mais pour qui nous prend-on ?). Toujours est-il que ça fonctionne et que, à défaut d'originalité, la simplicité, l'efficacité et le plaisir sont au rendez-vous.
La suite est, elle-aussi, réjouissante mélodiquement avec des 'Captive' et 'Illuminate' aux refrains accrocheurs, mais beaucoup moins côté originalité puisque l'ensemble reste suspendu à la voix omniprésente de Solberg alors que les guitares délivrent des riffs simplistes et que la section rythmique ne propose rien de plus (et souvent moins) que sur les précédentes productions des Scandinaves. Cet EP s'achève sur un 'Leashes' en forme de copier-coller de 'From the Flame'. Pardon, ... vous dites ? Ce n'est pas un EP ? Ah oui, il y a encore cinq titres après ça. Et bien l'essoufflement créatif est tel que ces derniers ne proposent même plus de mélodies intéressantes et ne méritent pas leur place sur un album de Leprous. Introductions electro, voix plaintive et lancinante, riffs répétitifs et monotones, rien ne fera sourciller les amateurs de metal prog, une étiquette qu'il convient de décoller d'urgence du Einar Solberg Band.
Le "groupe" s'en remet presque exclusivement à son leader dont la voix est certes magnifique, mais ça ne suffit plus. Trop de titres sont dispensables et trainent inutilement en longueur en fin d'exercice. Voilà maintenant trois albums que Leprous ne propose plus rien d'original ni d'excitant alors qu'il se positionnait jadis en fer de lance d'un metal progressif d'avant-garde au potentiel sans limites. J'en vois d'ici certains s'indignant d'une chronique à charge en criant au génie d'un Solberg au sommet de son art. Tous les goûts sont dans la nature, mais chacun devrait être en droit d'en attendre (beaucoup) plus d'un groupe comme Leprous.
Malgré une première partie réussie et une production de bonne facture, la note est une sanction de ce manque de prise de risque malheureusement prévisible. En 2015, nous exhortions Leprous à retrouver l'inspiration salvatrice d'une écriture collégiale mais Solberg ne voit apparemment pas les choses de la même façon. Alors certes, les mélodies sont efficaces, certaines parties vocales belles à pleurer mais c'est tellement peu pour briguer de plus glorieux lauriers. Seuls les inconditionnels des dernières sorties des Norvégiens y trouveront leur compte. Quant aux autres, ils écouteront celui-ci et les suivants en espérant y retrouver l'espoir d'une lueur de créativité, sans grand optimisme.