Un peu moins d’un an après la sortie de “The Fox” qui, sans être impérissable, marquait un regain de qualité dans les productions d’Elton John, celui-ci nous revient avec sous le bras un album à la pochette hideuse dont il a le secret (les teintes vertes et mauves du contour et le titre en jaune jurent un peu avec le chapeau bleu et la cravate écossaise rouge du chanteur), "Jump up !", dont on se demande s’il va confirmer le renouveau amorcé par son prédécesseur.
Premier constat rassurant, l’équipe est pratiquement la même : même producteur, mêmes paroliers, mêmes musiciens. Seul Nigel Olsson manque à l’appel, remplacé par Jeff Porcaro (Toto), un gage de qualité à ce poste. Et effectivement, "Jump Up" semble partir sur les mêmes bases que la première face de "The Fox", renouant avec un son plus rock que pop grandement dû à la production resserrée de Chris Thomas. Celle-ci se polarise essentiellement sur les guitares/basse/batterie/claviers, tous au service d’un chant plus investi, dynamique sur les titres enlevés et empreint de tristesse sur les plus mélancoliques. Exit les chœurs sirupeux, les habillages de cuivres ou de cordes dégoulinants qui donnaient un côté clinquant et artificiel proche d’une mauvaise "grande variété".
Si production et interprétation sont revenues à un bon niveau, qu’en est-il des compositions ? Certes, l’appréciation de telle ou telle mélodie est souvent subjective. Néanmoins, hormis ‘Blue Eyes’ sur laquelle Elton John s’essaye au crooner, adoptant un registre plus grave qui lui deviendra bientôt familier, la postérité n’a pas gardé grand-chose de cet album dont Bernie Taupin dit qu’il est l’un des pires. Jugement sévère et excessif. Il est vrai que Taupin a eu le bon goût de ne pas se commettre dans "Victim of Love" !
Car les titres tiennent la route. Certes, rien d’exceptionnel ne transparaît de ces chansons très formatées mais, même dans la médiocrité, Elton John s’avère bien supérieur à nombre de ses confrères à leur apogée. L’album contient une bonne dose de rocks mid-tempo dont la principale vertu est de donner l’envie de danser (d’où le titre ?) et quelques ballades mélancoliques (‘Blue Eyes’ déjà cité, ‘Legal Boys’, ‘Empty Garden’, ‘All Quiet on the Western Front’) permettant à l’orchestre de se manifester à bon escient. ‘Empty Garden’, écrit en l'honneur de John Lennon le lendemain de son assassinat, retrouve même le style d’une autre épitaphe, ‘Candle In The Wind’. La chanson connaîtra moins de succès que cette dernière, pourtant elle porte en elle le même potentiel et nous ne pouvons que vous recommander son écoute si vous ne la connaissez pas.
Si "Jump Up !" ne contient pas de véritable tube, il ne contient pas non plus de titre faisant office de remplissage ou objet de délayage comme cela pouvait être le cas par le passé. Bien supérieur sur tous les plans à "A Single Man" et "21 at 33" (on oublie bien vite "Victim of Love"), plus homogène et cohérent que "The Fox", Elton John n’avait pas fait aussi bien depuis "Blue Moves".