En 1989, avec son premier album intitulé "Blind Faith", Walk On Fire avait proposé un bel AOR typiquement britannique dans la lignée de formations telles que FM, Strangeways, Airrace ou Shy. Porté par le chant éraillé et légèrement voilé d'Alan King, la guitare lumineuse de Mike Casswell et les claviers de Dave Cairns, le quintet décrochait quelques premières parties prestigieuses aux côtés de Foreigner, Ratt ou du Dan Reed Network. Malheureusement, malgré les espoirs nés de ce début de reconnaissance, le groupe se séparait rapidement et voyait la plupart de ses membres s'envoler vers d'autres horizons. La bassiste Phil Williams rejoignait Spandau Ballet, Dave Cairns accompagnait Seal et David Bowie et le batteur Trevor Thornton intégrait les rangs d'Asia de 1992 à 1994. Quant à Mike Casswell, il travaillait avec Cozy Powell, Brian May, Joe Bonamassa ou Steve Hackett, avant de décéder par noyade en 2016. Composé de titres inédits de sa formation initiale, "Mind Over Matter" sort chez Escape, 28 ans après "Blind Faith", pour rendre hommage à un musicien et à un groupe qui n'ont pas eu les carrières qu'ils auraient probablement mérité.
Car si la batterie triggée et les claviers parfois cheap trahissent l'âge des 13 titres proposés, ces derniers tiennent pourtant bien la route une fois remis dans leur contexte. Les points forts du groupe sont la voix d'un Alan King œuvrant dans des sphères déjà fréquentées par des artistes tels que Sammy Hagar, Rod Stewart, John Parr ou Steve Overland (FM). Parfait équilibre de puissance et de chaleur, le chant de l'Ecossais projette systématiquement chaque titre à un niveau supérieur. Il est pour cela, parfaitement épaulé par les soli étincelants du regretté Mike Casswell qui profite de l'espace que lui laissent des compositions qui n'hésitent pas à s'étendre au-delà des 5 minutes. Avec son refrain accrocheur, le titre éponyme ouvre ainsi les hostilités avec classe et lance un début d'album au sein duquel se suivent quelques pépites du genre parmi lesquelles nous pourrons citer le plus sombre 'Reign Down' mêlant espoirs et mélancolie, ou l'aérien 'Long Live Love'.
La suite se révèle sans réel faux pas, en dehors d'un 'Save Your Lies (We've Had Enough)' se voulant une diatribe contre les politiciens, mais lourdement handicapé par des sonorités de claviers frôlant le ridicule. C'est d'ailleurs ce côté suranné qui empêchera probablement cet opus d'obtenir plus qu'un respect mérité par la qualité d'interprétation et par son statut d'hommage à son guitariste disparu. Il y a bien quelques pièces qui sortent du lot, comme le plus hard-rock 'Bad Attitude' au refrain scandé, ou le mordant 'Big Gun' au refrain direct et efficace, mais le reste se révèle très classique (la ballade 'The Price Of Love') et ne réussit que rarement à s'incruster durablement dans les neurones, même si, encore une fois, le chant et la guitare retiennent régulièrement l'attention.
Véritable témoignage d'une époque et hommage à des musiciens injustement sous-estimés, "Mind Over Matter" fait cependant figure d'OVNI au sein des sorties AOR les plus récentes. Il mérite toutefois que les amateurs du genre y posent une oreille afin de pouvoir replonger dans leur jeunesse, ce qui ne manquera pas de déclencher une bonne dose de mélancolie, d'autant qu'il est facile d'imaginer le succès que cet opus aurait pu obtenir s'il était sorti à l'époque. Par contre, en se bornant à l'aspect purement artistique de l'objet, il sera difficile de saisir l'intérêt de sa parution en 2017.