S’il est bien un groupe qui n’a jamais vraiment trouvé grâce aux yeux (et aux oreilles) des différents chroniqueurs de Music Waves, c’est certainement Brother Ape. Ce combo qui nous vient de Suède laisse régulièrement la rédaction sur sa faim, qui lui reconnaît certes du potentiel mais souvent mal exploité. "Karma", sa septième livraison, viendra-t-elle à bout de la malédiction qui pèse sur cette formation ?
Une petite précision s’impose avant d’entrer dans le vif du sujet : si le rock joué par Brother Ape est très éclectique et saupoudré d’originalité, il n’est en rien progressif comme il est souvent catalogué, à tort, y compris dans nos pages. Ceci explique peut-être le sentiment mitigé de chroniqueurs jugeant le groupe à l’aune des canons du progressif et n’y trouvant pas leur compte.
Revue au travers du prisme des critères portant sur un rock certes sophistiqué mais sans plus, la musique de ce "Karma" contient quelques atouts séduisants, à commencer par le timbre de son chanteur, Stefan Damicolas, qui ne laissera personne indifférent. Si sa voix est peu puissante, sa fragilité mélancolique, rappelant par certains aspects Jon Anderson ou Jonathan Donahue (Mercury Rev), s’avère par moments fort agréable, imprégnant l’âme de l’auditeur d’une douce nostalgie et s’adaptant particulièrement bien aux titres les plus calmes (le bien trop court ‘If I Could’, ‘Hina Saruwa’, ‘Don't Stand On My Grave And Cry’, le piano/voix lumineux et saisissant de l’introduction de ‘Karma’).
Côté musique, c’est peu dire que le groupe est éclectique, n’hésitant pas à mélanger pop et AOR (‘Oblivion’), à sauter d’une fantaisie symphonique (‘If I Could’) au hard rock (‘Sixteen’), flirtant avec la musique ethnique (‘Hina Saruwa’, ‘Karma’), l’atmosphérique (‘Don't Stand On My Grave And Cry’), le presque progressif (‘Karma’), sans oublier la ballade acoustique (‘You Are’). Il y en a pour tous les goûts et peut-être même un peu trop, l’auditeur peinant à trouver ses marques dans un album qui balaye ainsi autant de styles musicaux, aussi bien fait cela soit-il.
Par ailleurs, les compositions sont inégales, de vraies réussites comme ‘Hina Saruwa’, dépaysant et envoûtant, ou ‘Karma’, le titre le plus complexe de l’album, à la fois mélancolique et orchestral, côtoyant les quelconques ‘Oblivion’ ou ‘Let The Right One In On’ aux mélodies floues et sans véritable saveur.
Très, et même trop diversifié, inégal, "Karma" souffle le chaud et le froid, parfois très séduisant, parfois fort ennuyeux. La personnalité vocale de Stefan Damicolas risque également de diviser entre chauds partisans de sa fragilité mélancolique et réfractaires à son manque de puissance. Jamais désagréable à écouter, l’album mérite cependant que chacun y jette une oreille pour se faire sa propre opinion.