Où termine l'hommage et où commence la photocopie ? Telle est la question que ne manquera pas de soulever la défloration de "In Ignorance We Trust", troisième rondelle de Dead Lord. Car osons le dire, ce dernier n'aurait jamais vu le jour si Thin Lizzy n'avait pas existé ! Les Suédois poussent le mimétisme tellement loin qu'on a (presque) l'impression de faire un bond dans le passé en les écoutant, persuadé que Century Media a déterré un album inédit des Irlandais. Mêmes harmonies juteuses de six-cordes qui cavalent partout et surtout un chant à l'identique, celui du gratteux (et moustachu !) Hakim Krim, véritable clone vocal du regretté Phil Lynott.
De fait, il y a deux manières d'appréhender le successeur de "Heads Held High". La première consiste à ne trouver aucun intérêt à voir des musiciens d'aujourd'hui singer de façon aussi embarrassante leurs aînés, quand bien même l'exercice serait réussi, et dieu sait qu'il l'est. Mais, il est aussi permis, à l'instar de l'auteur de ces lignes, de savourer cet opus pour ce qu'il est, une excellente tranche de hard à l'ancienne qui donne envie de taper du pied sans se prendre le chou.
Si Black Star Riders est déjà passé par là, Dead Lord injecte à cette matière imparable un grain plus heavy metal, plus crasseux peut-être (tout est relatif) qui fait tout le sel de "In Ignorance We Trust". En bons Suédois qu'ils sont, ces chevelus vêtus de la bonne vieille veste en jeans des familles sont donc des nostalgiques inspirés, le manche épais qui pointe vers les années 70 et 80, gonflé d'une sève généreuse et volubile. Rapidement, on finit par oublier le patronage des Irlandais pour se laisser emporter par ces hymnes taillés pour les grands pèlerinages européens. Voix chaudes et guitares qui se frottent l'une à l'autre dictent une écriture nerveuse et brûlante.
C'est efficace et ne saurait susciter la moindre réserve si ce n'est cette évidente absence d'identité dont le groupe n'a de toute façon que faire. Le mid-tempo 'The Glitch' témoigne que Dead Lord n'a pas peur de s'aventurer sur un terrain plus personnel, titre qui permet de rompre un menu qui oscille entre brûlots galopants ('Ignorance', 'Too Late', 'They!'...) et respirations délicates ('Leaves Me Be') qui, dans le cas de 'Never Die', épouse la forme d'une suave montée en puissance.
Au-delà de l'ombre de Thin Lizzy qui le recouvre, il faut surtout voir "In Ignorance We Trust" comme une très bonne galette de hard rock tout court, que ne grève aucune baisse de régime.