Jusqu'à l'arrivée de Tomi Joutsen et en dépit de l'incontestable qualité des disques qu'il gravera avec eux à partir de 2005, lesquels marqueront alors un certain retour aux sources, les Finlandais n'ont jamais été pris en flagrant délit de stagnation, évoluant au gré des albums et des (légers) changements de line-up, glissant en douceur du death doom de "The Karelian Isthmus" au metal plus accessible bien qu'encore assez heavy, de mise sur "Elegy", sans toutefois renier leurs racines folkloriques enracinées dans la géographie et la mythologie finnoises. L'abandon progressif du chant de bête en rut symbolise cette mue naturelle qui leur a permis de surprendre constamment sans pour autant décevoir.
Et alors qu'on croyait cette mutation achevée par un "Tuonela" finalement plus rock que métallique, Amorphis change à nouveau de peau avec ce "Am Universum" qui largue plus encore les amarres pour accoster les rivages d'une musique à la fois atmosphérique et psychédélique, nimbée de touches progressives. Plus policées quoique toujours mordantes, les lignes vocales de Pasi Koskinen entraînent cette cinquième offrande sur ce front extrêmement mélodique que soulignent des claviers nourris aux années 70 ('Crimson Wave') et la présence d'un saxophone, assuré par le légendaire Sakkari Kukko, sur une large moitié du menu dont le majestueux et envoûtant 'Drifting Memories'.
Mais comme toujours avec Amorphis, cette évolution se fait sans heurts, aidée en cela par cet inoxydable sens de la mélodie qui fait mouche et les accroches guitaristiques reconnaissables entre mille de la paire Holopainen / Koivusaari. De fait, les hymnes ne manquent pas, bien entendu, au sein d'un ensemble aussi carré que racé qui ne saurait susciter la moindre réserve, fidèle aux (bonnes) habitudes d'un groupe dont le métier n'est plus à démontrer.
'Alone', qui en ouvre les portes, est le plus irrésistible d'entre eux avec ses couleurs quasi floydiennes associées cependant à de lourds aplats qui forment un solide substrat que n'érodent jamais totalement ces envolées soyeuses. Tavelé d'ambiances spatiales, 'Goddess (Of The Sad Man)' poursuit cette imparable lancée que complètent en fin de parcours le lent 'Veil Of Sin', assis sur un tapis onctueux et le long et terminal 'Grieve Stricken Heart' aux reliefs évolutifs du plus bel effet. Amorphis pur jus, les 'Captured State', 'The Night Is Over' et autre 'Forever More' font également feu de tout bois tandis que 'Shatters Within' annonce un 'Far From The Sun' qui verra les Finlandais aller au bout de cette exploration sonore avec un bonheur plus grand encore.
Avec ce "Am Universum", plus progressif et psyché que ses devanciers, Amorphis continue de façonner un art qui, depuis l'embauche de Pasi Koskinen, ne cesse de s'éloigner peu à peu du metal pur et dur sans pour autant rompre avec une immuable réussite.