Le diable m'emporte, le diable ne s'habille plus en Prada, mais désormais il porte des loques crasseuses, du cuir et des chaînes cloutées. Il se vautre également dans une musique sur laquelle nos points de repères vacillent. Il s'incarne en Necrowretch, formation qui est l'incarnation terrestre de son altesse démoniaque Méphistophélès. Ce trio malin d'adorateurs de l'ombre personnifie une musique aux confins des ténèbres, des vibrations héritières des vociférations post mortem d'Entombed. Cette ultime torture auditive ("Satanic Slavery") est l'occasion d'arpenter la face cachée de l'enfer, de s'engluer dans une toile brumeuse qui emprisonne les âmes, puis les offre en sacrifice au Prince des ténèbres.
Au travers de huit pistes qui sont autant de voyages desquels on ne pourra se relever indemne, la musique puise son incarnation dans la bourbe saumâtre et les émanations suintantes des ères putréfiées. La chair de poule nous gagne donc au premier tour de piste, aux premiers accords dissonants et aux premières vociférations, pour ne jamais plus se dissiper durant ce périple éprouvant.
Ce manifeste sombre débute en fanfare dès les premières secondes d'immersion dans un enfer sonore moite. Alors que la guitare éructe des riffs gluants, nourris de vermine et de crasse, que la voix entonne une litanie glaireuse, que les tambours résonnent dans les feux de la géhenne, le vent souffle et brûle les chairs, puis l'angoisse suinte sur chaque seconde de la rondelle.
Alors comme pour prouver que le death est bien de rigueur, un blast éclate les tympans ('Sprawl of Sin'), puis la voix résonne dans cette chapelle impie alors que la guitare sursaturée baigne sans cesse les compositions d’effroi. Enfin la guitare solitaire expulse des giclées blanchâtres et acres, des phrases hyper-luminiques qui courbent l'espace-temps et engendrent un monde enharmonique non euclidien.
Passée cette épreuve du feu, à peine les chairs à vif cicatrisées, la suite 'Tredeciman Blackfire' est tout aussi éprouvante : les cris résonnent dans tous les recoins, la batterie use de double pédale... aucune lumière ne semble émerger des ces fumées opaques tissées par des partitions blasphématoires.
Sur des métriques rapides, gorgées de blasts, des guitares crasseuses, des crachats vocaux à la face du ciel, l'album noie l’oreille sous des monceaux d'ordures musicales... Mais finalement, tels des adorateurs du marquis de Sade, le fan succombe avec délectation à cette douleur lancinante engendrée par des pistes sans concession ('Satanic Slavery', 'Hellspawn Pyre'). Necrowretch livre donc sur un plateau sanglant une œuvre à ne pas mettre entre toutes les oreilles, un ouvrage impie digne du Nécronomicon.
"Satanic Slavery" est une œuvre opaque, violente et difficile d'accès, à la mystique noire, aux sonorités caverneuses qui rappellent Immolation ou Sinister, et qui ne peut laisser indifférent. Si certains seront irrémédiablement dégoûtés par cette horreur, d'autres seront infiniment attirés par ces visions de cauchemar lancinantes et effrayantes.