Décidément, depuis qu’il est revenu au blues en 2001 avec le bien-nommé "Back To The Blues", Gary Moore a retrouvé l’inspiration et la motivation. L’Irlandais enchaîne les opus de qualité comme des perles et un an après un excellent "Close As You Get" (2007), il est déjà de retour avec une nouvelle offrande discographique intitulée "Bad For You Baby". Toujours entouré de Vic Martin aux claviers et de Pete Rees à la basse, il est cette fois épaulé par Sam Kelly qui a pris la place de Brian Downey derrière les fûts. Autre évolution notable, le maître des lieux a décidé de prendre lui-même en charge les parties d’harmonica.
Si la qualité est donc toujours au rendez-vous des derniers albums du génial guitariste-chanteur, l’originalité n’est par contre que rarement de mise. Gary Moore a sa signature et il n’a aucune raison de s’en éloigner, même s’il propose suffisamment de variété dans ses compositions et covers pour éviter tout sentiment de lassitude chez ses aficionados. Le millésime 2008 ne déroge pas à la règle avec un début sur les chapeaux de roues composé du boogie-blues nerveux du titre éponyme, d’un ‘Down The Line’ épileptique et d’un ‘Umbrella Man’ levant légèrement le pied tout en restant accrocheur et doté des incontournables interventions lumineuses de la six-cordes du patron. Rien de déstabilisant et d’inattendu mais une énergie irrésistible et une maîtrise qui imposent le respect. Dans ce domaine, la reprise du ‘Walking Thru The Park’ de Muddy Waters maintient le niveau d’excellence, alors que le ‘Mojo Boogie’ du JB Lenoir dégaine une slide aux accents dignes de Duane Allman.
Cependant, Gary Moore se souvient des conseils que lui avait prodigué Albert King à l’époque de "Still Got The Blues" (1990), à savoir de privilégier les notes tenues et accrocheuses aux déluges démonstratifs. Cette technique, qui favorise la transmission d’émotions fortes, s’épanouit sur des ballades gorgées de feeling et s’étalant sur de longues durées. Le ‘I Love You More Than You’ll Ever Know’ de Blood Sweet & Tears déverse ainsi sa mélancolie sur plus de 10 minutes avec sa guitare brûlante et son chant plaintif dans une ambiance nocturne et aérienne et fait fondre les cœurs les plus endurcis. Si ‘Did You Ever Feel Lonely ?’ se fait plus classique, elle n’en est pas moins émouvante, alors que ‘Trouble Ain’t Far Behind’ enfonce le clou en fin d’album avec sa guitare cristalline et son touché lumineux.
En ajoutant à tout cela un ‘Holding On’ un peu soul renforcé par les chœurs d’Otis Taylor et de sa fille Cassie, ou un ‘Preacher Man Blues’ aux accents sudistes sur lequel Gary Moore utilise un harmonica pour renforcer la bonne parole dans une ambiance chaude et moite, nous obtenons un nouvel album sans faille démontrant le talent de celui qui ne semble plus pouvoir descendre des cimes du genre. Malheureusement, il s’agira là du dernier album du génie irlandais qui succombera à une crise cardiaque en 2011 en laissant le monde du blues et du rock en état de choc. Sans que cela soit son meilleur témoignage discographique, "Bad For You Baby" n’en reste pas moins une nouvelle preuve du talent sans borne de Gary Moore et se doit de figurer dans toutes les discothèques des amateurs du genre, et pas uniquement pour sa valeur historique.