Les années 80, période dorée pour l'AOR, ont pourtant vu quelques talentueuses formations passer au travers des mailles du filet du succès. Malgré de nombreuses qualités, les Ecossais de Walk On Fire font partie de ces victimes injustifiées tant tous les éléments artistiques semblaient réunis pour les installer dans le peloton de tête du genre. La parution de "Mind Over Matter", album composé d'inédits, sorti en 2017 en hommage au guitariste Mike Casswell, a aiguisé la curiosité des amateurs de cette branche du rock mélodique dont fait partie votre humble serviteur. Il était donc temps de se pencher sur le premier et unique opus du quintet calédonien afin de lui donner une nouvelle chance de briller sous les projecteurs d'une reconnaissance qu'il serait souhaitable de le voir enfin recevoir.
Pour cela, il est impératif de se replonger dans l'ambiance des 80's, dans ses films et séries emplis de bons sentiments, de héros aux brushings impeccables et aux tenues colorées, de voitures rutilantes, et d'une musique westcoast aux claviers prégnants. Si Walk On Fire avait été un groupe californien, il y a de fortes probabilités que ses compositions auraient fait partie de nombre de ces bandes sons aux côtés des John Parr, Jimi Jamison et autres Michael Bolton. Portée par les claviers de son leader Dave Cairns et par la voix légèrement éraillée et gorgée de chaleur et d'émotion d'Alan King, la musique des Ecossais est largement à la hauteur de ce que ces artistes pouvaient produire à l'époque. Le single éponyme au refrain catchy, ou un 'Wastelands' dynamique coécrit avec Trevor Rabin (Yes) n'auraient pas dépareillé en compagnie de Boston ou des Canadiens de Boulevard.
Tout dans cet album respire cette époque par tous les pores de chaque note. Des ballades westcoast au soleil et aux claviers sucrés ('Crime Of Loving You', 'Close My Eyes') au hit en puissance qu'aurait dû être un 'Hearts Of Gold' au refrain hymnique, en passant par le mid-tempo 'Caledonia' rendant hommage à l'Ecosse natale de ses auteurs à la manière de ce qu'aurait pu faire un Rod Stewart, les occasions d'investir les charts de l'époque ne manquent pas et il est incompréhensible qu'aucun de ces titres n'ait squatté les ondes FM. Certes, le succès pointa le bout de son nez dans les îles britanniques, d'autant que le quintet assura quelques premières parties prestigieuses (Foreigner, Ratt, Dan Reed Network...). Mais ceci ne fût pas suffisant pour la maison de disques qui espérait le voir percer en Amérique du Nord et qui préféra le lâcher sans lui donner la chance d'enfoncer le clou.
Il reste donc ce témoignage du talent d'un groupe qu'il est indispensable de replacer dans son époque pour en saisir toutes les qualités. S'il ne parlera pas aux nouvelles générations, il plongera les quinquagénaires dans une délicieuse mélancolie et pourra faire office de bande-son aux images peuplant leurs souvenirs. Il n'est pas impossible qu'à l'écoute de cet album, l'humidité vienne troubler quelques pupilles, mais ce sera pour le plus grand bonheur des amateurs du genre qui pourront continuer à se faire traiter de vieux cons sans sourciller.