Voilà quarante ans que les Beatles Américains, comme les ont affublés les Japonais, nous ravissent de leur pop puissante et mélodieuse. Il fallait bien une nouvelle livraison pour célébrer les noces d'émeraude d'un groupe soudé depuis ses débuts bien que la fête ne soit pas totale sans le batteur originel Bun E. Carlos, en conflit avec les autres musiciens depuis "Bang Zoom Crazy... Hello" sorti l'année dernière, remplacé par le fils de Rick Nielsen, Daxx. Après dix-sept albums et des centaines de tournées, les Cheap Trick sont toujours fidèles à leur rock américain, traversant les modes avec des hauts et des bas mais invariablement animés par la même passion communicative. Chapeau donc.
Les originaires de Rockford, Illinois sont en forme depuis leur "retour" avec le très bon "Bang Zoom Crazy... Hello", six longues années après un excellent "The Latest". Ils n'ont surtout plus rien à prouver et l'auditeur sait exactement ce qu'il vient chercher en écoutant un album des Américains. Cette envie de se faire plaisir transpire de ce "We're All Alright!" qui débute sur les chapeaux de roue avec quatre titres taillés dans un rock sans artifice renforcé par une production qui privilégie les sonorités brutes. Les riffs misent sur l'efficace simplicité et l'énergie immédiate et ce ne sont pas les chœurs ni les cordes finales de 'Nowhere' qui détournent ce quarté de leur objectif de montrer un Cheap Trick sauvage et toujours vigoureux bien que la moyenne d'âge (sans Daxx) frôle les soixante-dix ans ! Les Tricksters en oublient juste d'être mélodiques avec des refrains basiques bien loin de leur qualité habituelle.
Heureusement Nielsen, Zander et Petersson retrouvent leur esprit créatif à l'occasion d'un 'Lolita' plus produit et un 'Brand New Name on an Old Tattoo' qui fait parler les instruments (quelle basse !) et les voix (quelle pêche de Zander !) et qui renferme un double refrain génialement construit comme on aime les entendre chez nos joyeux rockers. Le disque se poursuit avec la fameuse power-ballade 'Floating Down', réussie et agréable à écouter, et un 'She's Alright' popisant et sucré qui tranche avec les tonalités radicales du début. Ce court interlude laisse place à une fin plus dans l'ambiance directe et heavy des premiers morceaux avec le rapide 'Listen To Me' aux harmonies collégiales et 'The Rest Of My Life' qui prend plus le temps de s'installer. A ce stade une grosse demi-heure s'est écoulée et les trois morceaux bonus de l'édition limitée ne seront pas de trop pour atténuer l'impression d'avoir entendu un Cheap Trick un peu léger, d'autant que ceux-ci s'intègrent parfaitement à l'album. Les chanceux auront notamment droit à 'Blackberry Way', une reprise de bonne facture de The Move, une des influences majeures des Tricksters.
L'écoute d'un album de Cheap Trick ne s'accompagne pas forcément d'un a priori d'originalité. Les seules attentes concernent les finitions mélodiques qui font parfois défaut dans "We're All Alright!". Ce dix-huitième album est ainsi à ranger dans la moyenne basse des productions du groupe, celles qui s'écoutent de temps en temps mais qui ne marqueront pas leur discographie. Par contre, la passion toujours vivace du quartet, très audible dans ce disque, nous laisse espérer que les Tricksters ne sont pas près de débrancher leurs instruments, pour notre plus grand plaisir.