Pour tous les vieux cons, comme votre serviteur, Limbonic Art demeurera éternellement associé à la doublette "Moon In The Scorpio" / "In Abhorrence Dementia" qui, il y a vingt ans déjà, participaient à l'édification de ce black metal norvégien dont la force symphonique se conjuguait à une ténébreuse luxuriance. Le reste a moins d'importance même si on décèle encore de grandes qualités dans "Epitome Of Illusions" puis "Ad Noctum - Dynasty Of Death", lesquels bouclent un corpus tutélaire.
Sabordé en 2002, le groupe renaît très vite de ses cendres, quatre ans plus tard, mais la magie (noire) s'est envolée. Succédant à un "Phantasmagoria" déjà oublié, "Spectre Abysm" n'est que le troisième méfait né de cette résurrection. De fait, il semble ne subsister plus grand-chose des Scandinaves si ce n'est un nom évocateur d'une époque révolue et fantasmée. Morfeus n'a pas survécu bien longtemps à cette renaissance, laissant seul aux manettes le fondateur et éminence noire Daemon qui se charge désormais de tout à part une batterie programmée. S'il est somme toute peu probable qu'il échappe lui aussi à l'indifférence subie par son prédécesseur, ce huitième album n'est pourtant pas sans qualités.
Ceux qui se réveilleraient d'un très long sommeil et espéreraient y retrouver l'art noir grandiloquent et baroque des débuts en seront bien entendu pour leurs frais. On reconnaîtra au moins au Norvégien cette volonté farouche de progresser plutôt que de regarder dans le rétroviseur du passé. De celui-ci, quelques oripeaux affleurent à la surface dans cette manière toujours reconnaissable de laisser bourgeonner des atmosphères sombrement enveloppantes, ce qu'illustre un titre tel que 'Triumph Of Sacrilege'.
Mais à la place, c'est un black metal froid et avant tout abrasif, presque granitique dans son expression d'une intensité épique, qui étire son tentaculaire labyrinthe de glace, à l'image de 'Demonic Resurrection', amorce gigantesque qui galope à travers des reliefs tranchants d'une démesure mythologique. En l'espace de dix minutes, Limbonic Art renoue, non pas avec la beauté lugubre de jadis mais avec une puissance brutale que martèle un tempo véloce perforé de maintes crevasses.
Après une telle entrée en matière qui nous fait croire au meilleur, ce qui suit s'essouffle malheureusement assez vite malgré un niveau technique élevé. Sans briller du même éclat, à l'autre bout se dresse une autre sentinelle d'une terrifiante majesté, ce 'Through The Vast Profundity Obscure', bouillonnant d'une fureur crépusculaire et hivernale. Entre les deux s'enchaînent six envolées, souvent trop courtes, qui ne peuvent soutenir la comparaison en dépit d'une écriture millimétrée mais vierge du souffle du Grand Nord, à l'exception du rocailleux 'Omega Doom'.
S'il possède plus de force sinon de charme que ses récents aînés, offrande d'une froide efficacité, "Spectre Abysm" confirme que Limbonic Art est bien mort il y a quinze ans après le prémonitoire "The Ultimate Death Worship".